Le formateur de terminologues: un globetrotteur

Jean-Claude Boulanger (Université Laval)
Pierre Auger (Office de la langue française)

1. Introduction

C’est devenu un truisme que de constater, que les progrès très sensibles de la terminologie au cours des 20 dernières années ont conduit, d’une part à l’adoption d’instrumentations et de méthodologies rigoureuses et précises et, d’autre part, à la mise au point de cursus et de cadres de formation qui débordent largement la structure universitaire classique. L’éclatement de l’espace universitaire date, quant à lui, d’environ une décennie, soit depuis que des programmes de 2e et de 3e cycles ont été instaurés et que la formation supérieure peut se dérouler hors de l’enceinte proprement dite de l’université. Un autre constat fait voir qu’à l’heure actuelle, la terminologie est en osmose permanente entre les milieux producteurs et utilisateurs et les milieux académiques où s’effectue l’acquisition des mécanismes moteurs et des corps doctrinaux. Notre discipline est donc devenue Tune des dynamiques fondamentales de tout projet d’aménagement linguistique de par le monde.

L’accroissement considérable des connaissances en terminologie a renforcé l’établissement de vastes programmes d’enseignement et elle a favorisé la reconnaissance de plusieurs universaux au regard des méthodes de formation (cours, stages, échanges, etc.). Cependant, une telle effervescence n’a pas encore permis de mettre de l’avant le phénomène de l’itinérance des formateurs, qui entraîne dans son sillage celle des demandeurs. Dans ce qui suit, nous nous intéresserons aux pays sur la voie de l’aménagement linguistique et terminologique qui ne partagent pas les mêmes systèmes langagiers que ceux que nous sommes habitués à côtoyer dans le monde dit occidentalo-septentrional.

Nous voudrions proposer ici quelques réflexions préliminaires à un examen plus approfondi de la question de la formation des terminologues lorsqu’il existe de nombreux et profonds écarts linguistiques, culturels, sociaux, géographiques, civilisationnels et éducationnels entre les groupes-cibles et les pédagogues. Ces notules s’inscrivent dans là grande constellation de la coopération internationale en matière de terminologie. Elles s’appuient également sur le principe du transfert des connaissances selon un processus pyramidal (voir Boulanger, 1986).

2. Objectifs

La présente communication a, en conséquence, un double objectif :

2.1. Tenter de dégager, à partir de quelques expériences de formation menées au Québec et à l’étranger depuis une décennie, une conception globale de l’enseignement de la terminologie à l’université, et plus précisément de la formation supérieure. Notre vision fait éclater le concept étroit d’« université » conçu au sens traditionnel. Elle se veut un examen filigrane de l’institution qu’est l’université et, simultanément, des stratégies aménagementales que sont l’enseignement de la terminologie et la formation des terminologues et des terminographes.

2.2. Mettre en évidence ou souligner certaines divergences dans les mécanismes de formation déjà établis lorsque les groupes-cibles représentent des pays, des États, des institutions et des langues qui divergent profondément de nos conceptions habituelles en ces matières. Les mécanismes existants doivent être réajustés et reciblés en fonction des communautés linguistiques aménagées et ils doivent tenir compte de la structure des langues en présence. Il s’agit à ce niveau de transcender des généralités et d’identifier des besoins spécifiques à chaque contrée. Expériences à l’appui, nous illustrerons là quasi-impossibilité de prôner un mode de formation uniformisé pour tous les terminologues et toutes les situations observables sur la planète, sans que cela remette cependant en cause des universaux déjà acquis.

2.3. L’exposé va comprendre deux parties :

Les avenues scrutées de manière cursive situent la formation à un niveau supérieur qu’il est difficile de cataloguer par de simples étiquettes comme certificat, baccalauréat, maîtrise ou doctorat. Il s’agit de la formation concentrée au plus haut niveau et dont l’incubation est de courte durée tout en étant de la plus grande efficacité. En outre, les situations évoquées sous-entendent toujours des contacts interlinguistiques perturbés et perturbants même si le français demeure la langue véhiculaire utilisée lors de la période d’apprentissage. Le rapport entre langue d’enseignement/langue de départ/langue d’application est déséquilibré et de nombreux bruits s’immiscent dans la communication.

3. La navette terminologique

Incontestablement, la terminologie est devenue une affaire planétaire. En conséquence, la dispersion géographique des personnes-ressources et des demandeurs requiert de nombreux déplacements et des ajustements de part et d’autre. Depuis une vingtaine d’années, nous avons participé à la percée de la terminologie comme discipline tributaire de la linguistique et comme point d’appui à l’aménagement linguistique, à son intronisation universitaire simultanément au Québec et en Europe (Autriche, Allemagne, Scandinavie [Finlande, Suède, Danemark], Angleterre, Catalogne, France, Suisse), puis à l’expansion généralisée des curriculums de par le monde. Avec comme retombées, des contacts répétés entre les principaux intervenants, la régulation des programmes d’enseignement et la formation de stratèges de haut calibre. Devant les gigantesques chantiers terminologiques qui provignent sur tous les continents, il n’est pas étonnant de constater que les pédagogues ont accepté de prendre leur bâton de pèlerin et de contribuer à la grande croisade terminologique. Celle-ci produit aujourd’hui des fruits multiples comme le montre le consensus universel en ce qui regarde les principaux éléments communs qui doivent figurer dans tout programme de formation (voir Boulanger, 1986 et OLF, 1981). Des linguistes et des terminologues sont donc devenus des globetrotteurs de l’aménagement des langues.

Après une dizaine d’années de globetrottage, quelques grands constats se dégagent des aventures de formation et des obligations qui y sont rattachées. Nous en signalons cinq :

Le globetrotteur apparaît comme un missionnaire de la terminologie et un généraliste capable d’élaborer une stratégie pédagogique adaptée à chaque situation qui lui est soumise. Il doit éviter certains pièges, tels le phénomène de l’érosion des compétences, la tentation du terrorisme terminologique intellectuel et l’incrustation dans le milieu receveur. Pour ces raisons, il faut encourager l’établissement d’un processus pyramidal de transfert des connaissances et de l’expertise ainsi que l’identification d’une source d’autorité locale susceptible d’assumer des responsabilités à chaque niveau de la pyramide de l’aménagement. Ces éléments contribuent à la saine gestion du processus pédagogique ainsi qu’à la gestion efficace du projet d’aménagement linguistique d’un État.

3.1. Le triangle planétaire

Les situations de formation qui peuvent se présenter sont les suivantes :

3.1.1. Les formateurs accueillent les demandeurs sur leur terrain. Dans ce cas, c’est l’apprenant qui se déplace afin d’acquérir des connaissances en terminologie et en terminographie. En général, les déplacements se font selon un axe sud-nord, plus rarement de l’est vers l’ouest. Les visiteurs peuvent alors bénéficier des infrastructures solidement implantées dans les entreprises privées ou publiques, les universités et les diverses institutions intéressées au projet d’aménagement linguistique. L’Office de la langue française, la Direction générale de la terminologie et des services linguistiques, l’université Laval et les grandes entreprises ont ainsi reçu depuis plusieurs années des stagiaires, des étudiants et des représentants de nombreux pays européens (Pays basque, Catalogne, etc.), africains (Maghreb, Cameroun, Rwanda, Soudan, etc.), sud-américains (Venezuela, Chili, Uruguay, etc.) et asiatiques (Chine, Inde, etc.), sans parler du Mexique. Dans cette première situation type, on constate que le visiteur est parfois submergé, sinon englouti, par la masse, des informations qui lui arrivent tous azimuts et qu’il doit digérer au fur et à mesure. Ceux qui s’en tirent le mieux, ce sont sans doute les étudiants inscrits à des études supérieures et qui disposent de plus de temps pour leur apprentissage.

L’arrivée rapide et ininterrompue des informations empêche souvent les parties de faire le point de manière raisonnée et comparative. De nombreuses questions demeurent sans réponse pour les étrangers. En outre, l’apprenant est fréquemment débordé par le nombre de personnes à rencontrer et de lieux à visiter, de sorte qu’il finit par se perdre dans le dédale des intervenants qu’il rencontre à tous les niveaux hiérarchiques et administratifs. Nous pourrions recourir ici à l’image colorée du « barrouettage » pour expliquer au mieux l’état d’esprit dans lequel se trouvent certaines personnes au sortir d’une formation intensive, épuisante et souvent hors de proportion avec leurs besoins et leurs objectifs spécifiques. Cette pédagogie passive n’a pas toujours créé des effets bénéfiques et ceci est dû à l’absence d’implication et d’identification des attentes de chaque participant. Au contraire, on y a souvent retracé quelques syndromes profonds du passage au Nord-Ouest.

3.1.2. Les formateurs sont amenés à se déplacer sur le terrain des demandeurs. Ils y partent armés de leur trousse terminologique à tout usage et à toute épreuve en vue de régler ipso facto la situation d’aménagement pour laquelle on les consulte. De tels déplacements plongent l’expert dans des contextes linguistiques, sociaux, culturels, civilisationnels et géographiques perturbant et parfois même désillusionnant par rapport aux espérances. Qu’on juge de la diversité des lieux visités par quelques expériences qui au cours des récentes années nous ont conduits de la Syrie au Maroc, du Venezuela à l’Angleterre, du Sénégal à Madagascar en passant par le Rwanda, sans compter la France et la Belgique qui ont accueilli les formateurs québécois à de nombreuses reprises. Chacun des publics requiert un programme de formation générale auquel se greffent des exigences contextuelles caractérisant chacune des zones géographiques et chacune des communautés linguistiques.

Parmi les principales difficultés rencontrées, il convient de signaler la définition imprécise de la conception de l’aménagement linguistique, l’absence parfois compréhensible de documentation fondamentale en terminologie et qu’il faut combler, la méconnaissance de l’état d’avancement des travaux par les autochtones eux-mêmes, ainsi de suite.

Les personnes-ressources sont également dominées par des contraintes de temps (durée du séjour trop court, envergure des programmes à élaborer, etc.), par le nombre de personnes à rencontrer, d’institutions à visiter, sans compter sur les impondérables politico-militaires en quelques points chauds du globe et les conceptions de la vie quotidienne parfois à l’opposé des nôtres, en particulier les notions de temps et d’horaire.

En revanche, les formateurs bénéficient de conditions favorables :

3.1.3. Les formateurs et les formés peuvent pour ainsi dire se retrouver en terrain neutre, comme cela s’est produit à quelques reprises récemment, notamment à Bordeaux en février 1985, alors que des Québécois et des Africains provenant d’une quinzaine de pays ont tenu un séminaire de formation à l’École internationale de Bordeaux. C’est également le cas des diverses réunions de perfectionnement et de concertation régulièrement organisées en Europe par les pays scandinaves. Les rencontres de ce genre répondent à des impératifs de plusieurs ordres, en particulier à des regroupements par zones géographiques, par communautés d’intérêts, par langues ou groupes de langues. Le Réseau Nordterm, le Réseau francophone de néologie scientifique et technique ainsi que l’Institut International de linguistique en pays arabophones répondent à ces critères.

Dans ce genre de rencontres les avantages et les inconvénients s’entrecroisent pour créer un climat de neutralité qui donne lieu à des échanges enrichissants mais qui demeurent souvent fragmentaires. Néanmoins, cela permet de faire le point sur des sujets ou des problèmes communs, de générer de nouvelles idées, de repousser les cas d’espèce. En fait ces situations ne constituent qu’une amorce des relations qui devraient s’établir puis déboucher sur une collaboration mieux adaptée à chaque contexte géographique et à chaque espace mental. Pour l’heure, il faut se demander si ces regroupements ponctuels ne se font pas parfois au détriment des activités pédagogiques planifiées, parfois au détriment des personnes-ressources ou encore au détriment des apprenants.

3.2. Le contexte coopératif de l’aménagement terminologique (AL)

Nous avons vu que le contexte de l’aménagement linguistique et de l’application des politiques linguistiques dans de nombreux États modernes a eu pour effet de modifier considérablement la conception tout comme les pratiques de l’enseignement de la terminologie. Confiné pendant de nombreuses années aux programmes de traduction dans les universités, puis inséré plus tard dans les programmes de linguistique, ce n’est qu’à une période relativement récente que cet enseignement s’est ouvert au concept d’aménagement linguistique. À considérer aujourd’hui un continent comme l’Afrique où sont menés des dizaines de projets nationaux d’aménagement linguistique, il est aisé de déduire que chacun de ces projets suscite ou va susciter des besoins importants en matière d’enseignement de la terminologie et dé formation de « terminologues de terrain » bien rodés aux techniques de la terminographie traditionnelle et capables de travailler dans le contexte du développement linguistique qui est celui de la plupart des États africains d’aujourd’hui.

3.2.1. Le terminologue-aménagiste, un besoin nouveau

Le développement de la terminologie dans les dernières dix années comme discipline-clé de l’aménagement linguistique au plan international a reposé et repose encore de façon aiguë la question de la formation des terminologues ou, si l’on préfère, celle de l’enseignement de la terminologie à l’université.

Que l’on fasse de la traduction ou de l’aménagement terminologique au travers un programme complet d’aménagement linguistique, le besoin de pouvoir disposer de terminologues compétents est une évidence en soi qu’il est inutile de vouloir démontrer. Disons seulement que l’employeur d’aujourd’hui compte certainement pouvoir embaucher des terminologues déjà formés, à leur sortie de l’université, sans qu’il faille leur montrer l’abc du métier et les former longuement sur le tas comme c’est souvent le cas encore aujourd’hui.

Pour faire un peu d’histoire disons que le mot terminologue est d’usage assez récent, il est signalé au Petit Robert depuis 1977 avec la mention Québec (1970-1971) comme lieu d’origine du terme. La date, récente d’apparition du terme terminologue illustre bien cette situation qui a longtemps prévalu, à savoir que la terminologie n’était pas perçue comme une discipline autonome générant ses propres participants, des « spécialistes de la terminologie », des « terminologues » ou même des « terminographes » comme Alain Rey les qualifiait déjà en 1975. Ce n’est qu’à compter des années 70 que l’on s’est mis à considérer la terminologie comme une discipline indépendante de la traduction et que l’on a de moins en moins « traduit » les termes au fur et à mesure que les terminologues sont apparus, ces étranges créatures issues de la lexicographie terminologique ou terminographie.

Les années 1970-1971 coïncident avec le développement au Québec de l’Office de la langue française et l’embauche, étalés sur diverses époques, des centaines de terminologues qui ont travaillé jusqu’à, aujourd’hui. Cela veut dire que l’Office dans le concret a dû élaborer de nombreux concours de recrutement, rédiger des descriptions, de tâches, déterminer des critères d’admissibilité, préparer des examens de sélection et des canevas d’entrevue. À compter de cette époque, il a donc fallu procéder à une foule de gestes administratifs nouveaux sans pouvoir bénéficier de l’expérience des autres, inexistante dans ce domaine particulier de l’activité linguistique.

Pour mettre sur pied un organisme comme l’OLF, par exemple, il a fallu très rapidement recruter un nombre important de terminologues (ou de terminologues en devenir, pour être plus exact). Or, il n’y avait alors que très peu de terminologues déjà formés et disponibles sur le marché du travail. De plus, l’enseignement de la terminologie au Québec n’en était encore qu’à ses premiers balbutiements. On a alors choisi de recruter des linguistes (mais aussi des traducteurs) connaissant bien la lexicologie ou ayant déjà travaillé en lexicographie et on les a formés sur le tas après une brève initiation au travail terminologique. Les années se, sont chargées depuis lors d’en faire de véritables terminologues.

Rappelons encore et, c’est un aphorisme de le répéter, que le terminologue doit être de toute façon un praticien, très polyvalent. Ce dernier doit, être tout à la fois linguiste, langagier de spécialité, documentaliste, informaticien, technicien et gestionnaire pour pouvoir réaliser pleinement les tâches de terminologie qui lui sont confiées. Nous avons passé sous silence un aspect devenu aujourd’hui fondamental en terminologie et c’est une solide introduction au traitement informatique des données terminologiques et à la micro-informatique en général. Il est très probable et prévisible que le terminologue de demain ne, pourra plus se passer du support de là micro-informatique dans son travail quotidien.

Selon les tâches auxquelles on a destiné les terminologues québécois, on a recruté selon trois types principaux de besoins :

Pour chacune de ces catégories, il a fallu déterminer une série d’exigences que les candidats devaient rencontrer pour être admissibles aux concours de recrutement de l’Office. Il faudrait ajouter aujourd’hui à cette brève typologie des terminologues, le terminologue-aménagiste qui travaille à des projets d’aménagement terminologique à l’intérieur de projets plus larges d’aménagement linguistique. C’est cette catégorie qui nous intéresse plus particulièrement aujourd’hui et que nous avons visée dans l’expérience de formation que nous allons vous relater maintenant.

3.2.2. Le nouvel axe nord-sud

Depuis quelques années, avec le développement de nombreux projets d’aménagement terminologique dans des pays en développement, des besoins nouveaux de formation de terminologues de terrain sont apparus. L’enseignement de la terminologie a dû pouvoir refléter cette évolution et permettre la formation de terminologues-aménagistes. C’est dans cette perspective que s’est située l’expérience que nous vous présentons, le stage de perfectionnement en terminologie-lexicographie (ACCT-CIRELFA) tenu à l’École internationale de Bordeaux (Talence, France) du 28 janvier au 15 février 1985. Mais avant d’en arriver à la relation de ce qu’a été ce stage de Bordeaux, il convient de poser quelques jalons historiques pour mieux nous situer au sein de ce nouveau compagnonnage développement linguistique/aménagement linguistique/terminologie. Ce n’est vraiment qu’à partir des années 80 que ce compagnonnage tripartite a pris un essor significatif. On n’a qu’à songer aux expériences conduites par le CIRELFA au Maghreb et en Afrique noire axées essentiellement sur la thématique « formation en terminologie et développement linguistique » (coopération avec l’IBLV à Tunis et l’IERA à Rabat, pour le Maghreb, coopération avec l’ACCT au sein de projets de description linguistique en Afrique noire, comme LETAC, IFA —qui a produit l’Inventaire des particularités lexicales, du français en Afrique noire—, LEXIS et DIMO, en terminologie). C’est de la même mise en relation de la terminologie avec le concept de « développement linguistique » qu’a procédé le Colloque « L’aménagement linguistique et terminologique du RWANDA : bilan et perspectives » qui s’est tenu à Kigali au mois de février 1984. Les recommandations faites en conclusion du colloque ont fortement insisté sur la nécessité d’appuyer le projet rwandais d’AL (comme pour tout projet d’AL, d’ailleurs) sur une structure adéquate d’enseignement de la terminologie, structure qui tienne compte du contexte africain général de développement linguistique. Enfin, pour terminer cette introduction, mentionnons que c’est sous cette thématique générale très « internationalisante » que s’est tenu à Luxembourg, en 1984 le Colloque international de terminologie « TERMIA 84 : Terminologie et coopération internationale ». Il ne faudrait pas oublier également de citer, pour mémoire, que la même année s’est tenue à l’École internationale de Bordeaux une session de perfectionnement en lexicographie et en terminologie à l’adresse des linguistes africains engagés dans les projets LEXIS et DIMO. Une vingtaine de participants se sont rendus à l’invitation de l’ACCT, au mois d’avril 1984 pour participer à ce premier stage de Bordeaux.

3.3. Le stage de Bordeaux 1985

C’est dans cette veine qu’il faut situer la tenue du Stage de perfectionnement en terminologie-lexicographie à l’École internationale de Bordeaux (Talence) organisé en 1985 (du 28 janvier au 15 février) par l’Agence de coopération culturelle et technique (ACCT) et le Conseil international de recherche et d’étude en linguistique fondamentale et appliquée (CIRELFA). Le stage s’adressait principalement à des représentants de pays africains engagés dans un processus d’AL et désirant parfaire leurs connaissances en matière d’aménagement terminologique sous toutes ses facettes (planification des besoins terminologiques, recherche en terminologie, normalisation terminologique, diffusion et implantation terminologiques).

Le stage d’une durée de trois semaines (quinze jours d’enseignement) à raison de sept heures de travail par jour (leçons et travaux pratiques) a réuni 35 linguistes représentant quelque 16 pays africains. Le stage a été conçu à l’origine, comme un cours de perfectionnement en lexicographie et en terminologie, il a fait une place importante a toutes les questions relatives à l’aménagement terminologique.

Les organisateurs du stage ont visé comme objectif principal la définition d’une méthode de travail en terminologie qui puisse garantir la qualité des travaux terminologiques entrepris e Afrique en tenant compte de la situation particulière des langues africaines et, aussi favoriser au maximum les échanges professionnels d’une langue africaine à une autre ou entre groupes linguistiques apparentés.

Des objectifs secondaires se sont greffés à ce programme, comme ceux de :

Il est important d’insister ici sur le fait qu’un fort accent a été mis sur l’adaptation méthodologique aux situations rencontrées en abordant les langues africaines. Ainsi, des techniques d’inventaire doivent être mises au point pour pouvoir répertorier les termes en usage à l’oral et apparaissant en langue nationale. C’est, en effet, seulement à partir d’un examen très minutieux de cet acquis terminologique qu’il sera possible d’envisager le développement linguistique des langues africaines caractérisées encore aujourd’hui par leur oralité. C’est ainsi que des conseillers linguistiques africains ont été mis à contribution tout au long du stage pour recréer sans cesse et le plus exactement possible le contexte africain de travail qui ne nous était pas familier.

Suite au Stage de Bordeaux (1985), l’idée est apparue aux organisateurs du stage et aux participants qu’il serait très souhaitable que soit mise sur pied le plus rapidement possible une « École itinérante de terminologie » pour sillonner diverses régions du globe qui sont en développement et enseigner les divers aspects de l’aménagement terminologique et plus spécialement le travail terminographique en mettant à contribution les linguistes nationaux pour coller le plus près possible aux caractéristiques sociolinguistiques des milieux en présence. Il va sans dire que les besoins en cette matière des pays en développement sont très importants et le demeureront pour plusieurs années encore. À ce titre, la terminologie est plus que jamais devenue une discipline internationalisante en pleine effervescence et l’enseignement de la terminologie doit pouvoir suivre ce mouvement et sans cesse être à l’écoute de besoins pour demeurer au pouls de la modernité et continuer à se développer dans les années futures.

D’autres stages à caractère international et tiers-mondiste verront sûrement le jour dans les années à venir et cela est très important pour garantir le succès des expériences d’aménagement linguistique qui ont été entreprises et qui seront entreprises. Mais pour pouvoir progresser en ce domaine, il y aurait encore beaucoup de recherches à entreprendre ou à poursuivre pour continuer à améliorer l’enseignement de la terminologie dans le monde et l’orienter selon un modèle relativement unifié ce qui est de la nature même de la terminologie.

Bibliographie

Référence bibliographique

BOULANGER, Jean-Claude et Pierre AUGER (1987). « Le formateur de terminologues : un globetrotteur », dans Jean-Claude Boulanger et Ali Reguigui, L’enseignement de la terminologie à l’université : état de la question : Université Laval, 12 avril 1986, Québec, Groupe interdisciplinaire de recherche scientifique et appliquée en terminologie, coll. « Travaux de terminologie », no 5, p. 55-70. [article]