Chronologie raisonnée des bibliographies de la néologie précédée de quelques miscellanées

Jean-Claude Boulanger (Université Laval)

« [...] le concept et le mot se sont formés en tant qu’unité indissoluble originale, différente des désignations antérieures et des conceptions antérieures, du jour où l’invention a donné naissance à l’unité linguistique avion [...] pour la désigner » (Louis Guilbert, La créativité lexicale, 1975 : 14).

1. Une nouvelle ère néologique

Dans un texte intitulé Théorie du néologisme[1], Louis Guilbert écrivait en 1973 : « Une ère néologique est donc ouverte dans l’idéologie du moment » (p. 29). À l’heure où naît Neologica, une revue entièrement consacrée à la néologie et dans laquelle une section est réservée à la poursuite de l’établissement d’une bibliographie de la néologie, il a paru opportun de remonter le fil du temps et de remettre en mémoire la chronologie des compilations publiées sur ce sujet depuis une trentaine d’années, d’autant que plusieurs de ces travaux sont aujourd’hui difficilement accessibles ou simplement devenus introuvables. L’historique de ces recherches fusionne avec quelques réflexions sur la néologie qui viennent éclairer et justifier les décisions d’édifier des bibliographies.

Les bibliographies sont des répertoires de références utiles, indispensables même, lorsque vient le temps de rassembler de la documentation sur un thème de recherche ou sur une discipline émergente, récemment reconnue ou en évolution. Tel fut le statut de la néologie au milieu de la décennie 1970. En s’inscrivant dans l’orbite de l’aménagement linguistique, le phénomène de la néologie prenait de l’ampleur et des couleurs nouvelles. Une telle expansion lui procurait des dimensions inédites et elle exigeait aussi qu’on puisse disposer d’outils de repérage efficaces, entre autres d’un catalogue des titres qui accréditerait l’autonomie de ce champ de recherche en linguistique et qui en montrerait la vitalité de même que les multiples ramifications sociétales.

En outre, la néologie avait besoin d’être démystifiée. Elle nécessitait qu’on l’ausculte pour déterminer son état de santé et pour justifier sa place au sein des disciplines des sciences du langage. Historiquement, la néologie a été connotée négativement, la nouveauté lexicale étant vue comme un écart par rapport à la norme, en particulier dans les dictionnaires et dans le monde de la traduction où la méfiance était grande et où les jugements de stigmatisation n’étaient pas rares, en particulier à l’égard des calques. Objectivement, la néologie peut être perçue comme étant le processus de création des mots nouveaux dans une langue. Un autre sens dérive de la praxis et donne au mot une valeur théorique. Ainsi, la néologie est aussi l’étude des principes et des méthodes de la création des mots nouveaux. Dans le terme néologie, on reconnaît les mots grecs neos « nouveau » [= néo-] et logos « discours » [= -log-+ -ie]. Faire de la néologie c’est se livrer à l’activité de création d’unités lexicales nouvelles. La construction de mots nouveaux se fait de trois manières : par la combinaison inédite de morphèmes, c’est-à-dire la production de signifiants qui n’existaient pas dans le stock lexical de la langue à l’instant de la création; par la confection de sens inédits, c’est-à-dire l’invention de signifiés qui n’étaient pas répertoriés au moment de la création; par le recours à l’emprunt d’un signifiant et/ou d’un signifié à une langue étrangère, c’est-à-dire l’insertion d’une forme et/ou d’un sens qui n’étaient pas connus de la langue d’accueil au moment de l’opération d’emprunt. Quant au calque, il s’agit d’un procédé de francisation qui se pose à l’intersection de la néologie formelle —nouveau signifiant—, de la néologie sémantique —nouveau signifié— et de l’emprunt —signe étranger. Le résultat du calque est un mot français. Son évaluation du point de vue de l’acceptabilité normative relève de considérations que nous n’aborderons pas ici. Chaque mode sera illustré par un exemple. Du point de vue formel, on évoquera le mot intensiviste « médecin spécialiste des soins intensifs » qui apparaît dans les écrits journalistiques au Québec en avril 1989. Le mot sera usité en Belgique à partir d’avril 1998; il ne semble pas attesté en France. Aucun dictionnaire général ne le consigne. L’attestation écrite est indicative; en effet, le mot a pu apparaître d’abord à l’oral ou il a pu être employé avant 1989 dans les milieux hospitaliers. Comme exemple de nature sémantique, notons le mot courriel, mot qui apparaît en 1990 au Québec avec le sens de « système de courrier électronique ». Rapidement, le sens de « message, document expédié à un destinataire à l’aide de ce système » s’ajoutera. Comme emprunt, on signalera le mot japonais sudoku qui est attesté dans les journaux français et anglais depuis 2005. À noter que le Nouveau Petit Robert 2008 [NPR] donne la même date. Le mot blogosphère apparaît en juin 2002 au Québec; c’est un calque partiel de l’anglais blogosphere, forme attestée au début de 2002 dans les journaux américains. Lorsqu’il apparaît dans un journal français en avril 2003, ce n’est déjà plus un néologisme, au sens premier.

Indéniablement, la néologie s’inscrit dans la dynamique du signe linguistique saussurien. Elle n’est pas indépendante des assises que lui fournissent la lexicologie, la morphologie et la sémantique. Sous cet angle, elle est étroitement liée à la formation des mots. En amont, lors de la genèse des néologismes, les mécanismes morphologiques disponibles sont mis en œuvre dans le but d’encoder ces unités nouvelles. Le geste appartient à la synchronie pure. Par exemple, en 1989 quelqu’un a eu l’idée d’associer l’adjectif intensif et le suffixe -iste, pour générer le néologisme (médecin) intensiviste. Le mot est construit à partir de morphèmes disponibles et fonctionnels depuis longtemps en français. Il entre dans le paradigme historique ADJ. + -ISTE « PERSONNE QUI... ». Il n’est pas modelé sur urgentiste (NPR → 1986), car, au Québec, c’est le mot urgentologue (attesté en 1988 dans les journaux et daté de 1980 dans Franqus[2]) qui est usuel. L’inédit, c’est l’association du morphème lexical intensif (intensiv-) et du morphème grammatical -iste. Il en ressort que les procédés utilisés pour forger des mots nouveaux sont sélectionnés à même l’ensemble du matériel morphologique fédéré par le français au cours de son histoire, ce matériel étant composé aujourd’hui d’éléments relativement stables et en nombre limité. Ces morphèmes ne diffèrent guère de ceux employés dans des situations où on procède à l’analyse des modes de formation des mots déjà fonctionnels dans le discours. Lors d’une opération de décodage (diachronie pure), les mécanismes sont démontés en aval. Par exemple, si on établissait aujourd’hui l’étymologie du mot intensiviste, l’analyse morphologique permettrait d’identifier la base lexicale intensif et le morphème suffixal -iste. Le néologue crée donc du nouveau avec de l’ancien. Il met au monde des lexies forgées à partir d’éléments préexistants qu’il agence suivant les règles et les lois de combinaison définies par le code, cet acte étant réalisé de manière consciente ou inconsciente.

Mais ce qui caractérise vraiment la néologie au regard de la formation des mots a à faire avec le temps. De fait, la néologie ne serait que le stade initial ou l’instant UN de la vie des mots, qu’une étiquette qui sert à ranger des unités lexicales sur une échelle géologique, à savoir établir leur position dans un continuum temporel. Ainsi, la carrière d’un mot se décline par paliers successifs qui font référence à son statut par rapport à l’usage, calculé en âge, la progression étant généralement mesurée à l’aune du dictionnaire, seul lieu concret permettant d’avoir une emprise sur le lexique. « Les dictionnaires sont notre seule idée du lexique »[3]. C’est à travers eux que le lexique est rendu visible et comptable. Autrement, il est indomptable, inqualifiable et fuyant. De la naissance à la mort éventuelle du mot, la succession des statuts est la suivante :

Le premier stade est celui de la nouveauté, du néologisme, état qui freine souvent l’emploi du mot ou qui instaure et/ou entretient l’instabilité, l’insécurité, la méfiance, etc. Pendant un temps plus ou moins long, le signifiant est senti comme un corps étranger, un greffon; on lui attribue des qualités ou des défauts physiques (beauté, laideur, allure bizarre, critère d’euphonie...). De leur côté, le signifié nouveau et le néologisme par conversion passent plus inaperçus, car il n’y a pas d’apparition de formes inédites. Durant cette période, le néologisme demeure à l’écart des dictionnaires ou il est perçu comme un intrus s’il figure dans les nomenclatures.

Le second stade est celui de la réception sociale, de la banalisation, c’est-à-dire de la lexicalisation. L’usage devient plus fréquent, le mot se stabilise dans le discours; il devient courant et il n’est pas marqué par rapport à la fréquence. Les dictionnaires le consignent, entérinant ainsi le passage du lexique en langue (théorie) au lexique dictionnairique (pratique). Objet linguistique plus ou moins saisissable, le mot retenu à la nomenclature d’un dictionnaire devient un objet lexicographique qui prend corps pour le consultant. L’évaluation du statut social du néomot passe par le dictionnaire, faute de mieux. C’est dans un article que les diverses facettes fonctionnelles du mot sont rassemblées et explicitées.

Le troisième stade est celui du vieillissement, phase qui est généralement plus lente. L’usage est encore actif, mais la fréquence est en régression. Dans les dictionnaires, le mot acquiert la marque temporelle vieilli.

Le quatrième stade est celui de l’obsolescence, de l’usure, de l’érosion ou de la relégation au niveau de la connaissance passive, facteurs qui signalent le début de la sortie de l’usage. Dans les dictionnaires, la marque vieux succède à la marque vieilli. Le cycle de la vie est inéluctable et des mots se désagrègent et meurent.

Le cinquième stade est la sortie de l’usage. Le mot disparaît des dictionnaires à l’occasion d’une mise à jour ou d’une nouvelle édition.

Autrement dit, sur le plan purement théorique, il faut se demander si le néologisme relève de la quiddité, s’il existe in se ou si cette valeur n’est qu’une qualité temporaire et extrinsèque associée ou attribuée au mot, qualité correspondant à une coordonnée de nature temporelle qui réfère aux premiers moments de l’existence dudit mot. Cette valeur s’estompe à mesure que le sentiment de nouveauté ou d’étrangeté s’amuït chez les locuteurs. Elle est remplacée par d’autres qualités qui statuent elles aussi sur la chronologie de la vie du mot; la chronologie n’est donc qu’un repère commode, un élément étranger au fonctionnement du mot[4]. Sous cet angle, la néologie est un non-lieu lexical; elle serait plutôt un lieu du temps, un point sur l’échelle des successions qui permet de situer l’arrivée d’un mot sur cet axe évolutif. De fait, un mot peut perdre son caractère de néologisme, mais il ne perd pas son statut d’unité lexicale. Il peut sortir des dictionnaires, mais il sera toujours membre du lexique, celui qu’a forgé l’histoire d’une langue et qui appartient à la diachronie; le locuteur regarde la chose en synchronie, il peut donc raisonner autrement et croire, par exemple, qu’un mot absent de son dictionnaire n’existe pas. « La notion de néologisme, dans le cadre temporel abstrait, dépend uniquement de l’ensemble fonctionnel envisagé »[5]. Par conséquent, l’idée de « néologisme » se confond avec celle de mobilité de la constellation lexicale d’une langue. Tous les mots furent des néologismes en leur temps, aussi bien les formes issues de l’évolution phonétique à partir du latin que les créations françaises. Les mots hérités du latin ne sont plus du latin, ce sont déjà des mots romans, puis « français » qui peuplent le lexique d’une langue en train de naître. Les formes évoluées se situent elles aussi à une intersection du temps. Les mots des Serments de Strasbourg ont été pour une part des néologismes, du moins sous l’angle lexicographique, comme en témoigne les 25 mots du NPR datés de 842 (fadre «  frère » et sagrament « serment », par exemple). Les dictionnaires datent les différentes variantes prises par un mot au cours du temps, aussi bien les variantes disparues que celles qui sont en usage. Même si elles sont anciennes, ces variantes datées correspondent à des points d’intersection de l’histoire. L’indication de la date est celle d’une naissance : le mot savoir est né officiellement à l’écrit en 842, sous la forme savir. En datant les mots et leurs variantes, les dictionnaires établissent leur profil graphique. Ils rendent compte des orthographes nouvelles qui se sont succédé dans l’histoire, ces changements étant du ressort de la néologie, au même titre que les variantes graphiques encore vivantes. Voici quelques exemples tirés du NPR, du Grand Robert de la langue française [GRLF], du Dictionnaire culturel en langue française [DCLF] et du Dictionnaire historique de la langue française [DHLF]. L’unanimité n’est faite que pour pomme, les écarts de dates par rapport aux graphies pour les deux autres mots restent à expliquer, d’autant que les dictionnaires sont apparentés. Il faudrait sans doute regarder du côté des sources consultées, notamment les autres dictionnaires et les manuscrits, car ils présentent souvent des variantes. Quoi qu’il en soit, chacune des variantes ci-dessous est datée, ce qui atteste de son existence dans un document écrit à un moment précis de l’axe du temps et ce qui identifie la source avec précision, notamment les Serments de Strasbourg (842), la Passion du Christ (vers 980), la Chanson de Roland (1080), le Roman de Brut (1155), ces écrits étant considérés comme des textes fondateurs du français.

Datations de graphies anciennes
angeNPRangele 980, angle 1080, angre XIIe siècle, ange XIIe siècle
GRLFangele XIe siècle, angle, angre (non datés), ange 1641
DCLFangele 980, angle, angre (non datés), ange XIIIe siècle
DHLFangele vers 980, angel, angle, angre XIIe-XIVe siècle, ange XIIIe siècle
pommeNPRpume 1080, pome vers 1155, pomme (non daté)
GRLFpume 1080, pome vers 1155, pomme 1273
DCLFpume 1080, pome vers 1 155, pomme 1273
DHLFpume 1080, pome vers 1155, pomme 1273
seigneurNPRsendra 842, senior vers 1000, seignur 1080, seinur et seignor fin XIe siècle; seigneur (non daté)
GRLFsenior vers 980, seignur 1080, seigneur vers 1205
DCLFsendra 842, senier vers 980, senior, seiner vers 1050, seigneur, seignur, seignor 1080
DHLFsenior vers 980, seinor fin Xe siècle, seignur, seignor 1080 seigneur XIIe siècle
Datations de variantes actuelles [NPR]
bracelet-montre 1909, montre-bracelet 1922
météorologue 1783, météorologiste 1797
ormeau XVIe, ormet, ormier 1868
pageot 1895, pageau 1552 pagel, pagelle 1562

L’état ou le statut de néologie extrinsèque s’évanouit avec la lexicalisation qui survient plus ou moins rapidement. Par exemple, les mots baladeur et courriel furent des succès instantanés; les usagers de la langue ont vite eu l’impression qu’ils étaient intégrés dans l’usage depuis longtemps. Ces officialismes ne furent pas vraiment vus comme des néologismes —pourtant, ils le furent— et ils n’eurent pas à se soumettre à une longue période de probation, les locuteurs les ayant rapidement adoubés.

Alain Rey[6] avait bien raison de parler de la néologie et du néologisme comme étant des concepts sur lesquels il fallait s’interroger. Par ailleurs, le label néologisme qui sert de marqueur évaluatif du caractère de nouveauté d’un mot n’est souvent apposé qu’en fonction du moment de l’enregistrement de ce mot à la nomenclature d’un dictionnaire. L’évaluation de la reconnaissance sociale de l’existence du mot est de nature lexicographique et les formes mot nouveau et néologisme s’interprètent également à la lumière de la présence ou de l’absence de l’unité lexicale dans les dictionnaires —plus précisément dans certains dictionnaires—, le contrôle se réalisant au moyen du fameux corpus d’exclusion. Celui-ci accrédite l’idée qu’en matière de néologie, le facteur temps s’explique de deux façons, soit il réfère au moment de l’invention du vocable qui entreprend une carrière discursive, soit il est associé au moment de son insertion dans les dictionnaires, l’écart étant plus ou moins grand entre les deux dates. De là l’importance accordée aux datations dans les dictionnaires. Il faut donc se garder de confondre la date de l’innovation lexicale qui est de l’ordre de la lexicologie et la date d’entrée au dictionnaire qui est de l’ordre de la lexicographie[7]. Il y a rarement concordance entre les deux. Il est donc possible qu’un mot soit catalogué comme « mot nouveau » à deux reprises, sinon plus. Parmi les exemples signalés ci-dessus, intensiviste n’appartient toujours qu’au seul lexique; courriel, né en 1990, entre au Petit Larousse illustré [PLI] en 1999 —cette date correspond au millésime 2000—; sudoku est recueilli dès 2007 par le NPR, mais il est toujours absent du PLI 2008. Le mot blogosphère est capté par le Dictionnaire Hachette 2007 [DH]. Comme le mot est apparu en 2005 et que le DH a été publié en 2006, le décalage n’est ici que d’une seule année. Un si court délai entre la naissance d’un mot et sa consignation dans un dictionnaire est un phénomène rare. D’habitude, le temps d’attente est plus long; il peut même être très long. L’exemple du mot expresso illustrera cette façon de faire. Le NPR date le mot de 1968, mais il ne le fait entrer dans la nomenclature qu’en 2000 alors que le PLI le connaît depuis le millésime 1998. Un purgatoire de plus de trente ans entre le moment de l’emprunt et celui de la mise en cage dictionnairique. D’autres mots bien vivants en français orbitent toujours autour de la planète dictionnaire; tel est le sort du mot bruschetta emprunté à l’italien en 1991, mais qui demeure toujours ignoré des dictionnaires généraux.

La captation dans les dictionnaires est strictement fondée sur l’écrit et le faux oral (chansons, extraits de la radio, de la télévision, de films, etc.). Chaque locuteur peut produire des masses de néologismes tous les jours, mais seul un petit nombre survivent et passent dans le lexique à condition d’être inscrits sur un support d’écriture. Dans les langues sans dictionnaires, la néologie existe bien entendu, mais elle est évanescente et elle ne peut pas être avalisée à partir des compilations comptables puisque ces compilations sont absentes de l’appareil descriptif de la langue en question. Au vide répond le vide. Dans ces langues, parfois écrites, mais sans dictionnaires, il faut s’en rapporter à la mémoire individuelle. Il n’existe pas de lieu de mémoire de l’ordre du cumul et du collectif.

Voilà donc une pléiade de raisons qui font que le recensement des écrits sur la néologie se justifie pour documenter toutes ces facettes de la néologie. En ce qui a trait à la perception de la néologie, dans les bibliographies existantes, la majorité des titres prennent le volet lexical pour cible. En réalité, la néologie touche bien des dimensions dans la langue puisque la phonétique et la phonologie, la grammaire, l’orthographe ou d’autres zones de la linguistique voient naître des nouveautés. Ces régions sont moins visitées que le lexique où on peut observer des créations individuelles alors que les autres dimensions relèvent du domaine collectif et que le phénomène est difficile à immobiliser dans le temps, car il s’étend parfois sur une période qui prend des allures diachroniques.

On crée des mots nouveaux principalement pour trois raisons :

  1. Pour nommer des idées, des objets, des produits, des procédés nouveaux (blogosphère) ou des concepts restés sans noms (biographier, ouiste).
  2. Pour remplacer d’autres mots qui vieillissent, causent des difficultés ou sont indésirables pour diverses raisons. Sont concernées ici les formes fautives ou critiquées, les emprunts, les mots connotés, l’usure sociale —voir l’épisode de la néobienséance langagière—, les bifurcations sémantiques, l’orthographe, la grammaire, etc. Par exemple, le mot sourire qui élimine définitivement l’ancienne forme souris à l’époque classique. Les graphies île et vêtement qui remplacent isle et vestement. Le verbe solutionner dont la conjugaison est plus régulière que celle du verbe résoudre.
  3. Pour concurrencer des mots existants (théories, écoles de pensée, nationalisme, etc.) ou pour fragmenter le champ sémantique d’autres mots. Par exemple, spationaute qui s’installe aux côtés de astronaute et de cosmonaute; néonymie qui déleste néologie d’une partie de sa charge sémantique.

Depuis que des pays ou des États ont développé des programmes d’aménagement linguistique abrités sous des parapluies législatifs, la néologie est devenue, sous certains angles, une entreprise institutionnelle et collective, une ressource essentielle dans la démarche de nationalisation et/ou de protection des langues et un moyen d’action stratégique pour la concrétisation de ces projets. La néologie spontanée se double depuis vingt-cinq ans, au moins, d’une approche planifiée. Certaines dimensions du concept de « néologie » sont désormais modulées à la lumière d’activités d’inspiration extralinguistique qui servent d’assises à l’action proprement linguistique[8]. Le recours à la force créatrice des langues devient alors un élément positif qui consolide le statut de ces langues en illustrant leur vitalité, leurs capacités de renouvellement et la dynamique de leur fonctionnement interne, notamment devant l’emprunt. En conséquence, la mise à la disposition du public de bibliographies est de nature didactique. Et en élargissant les champs d’application de la néologie à des secteurs non linguistiques —on peut penser ici aux rapports avec le domaine juridique—, on a créé un univers dans lequel fusionnent plusieurs systèmes. L’étude de la néologie comprend donc différents sous-ensembles qui doivent être pris en compte dans une bibliographie :

  1. Le sous-ensemble lexical (morphologie, sémantique; modes de formation des mots).
  2. Le sous-ensemble des emprunts (intégraux, partiels, adaptés) et des calques.
  3. Le sous-ensemble lexicographique et terminographique (dictionnaires, lexiques, répertoires, etc., privés ou institutionnels).
  4. Le sous-ensemble réunissant d’autres disciplines de la linguistique (phonétique, grammaire, orthographe, etc.).
  5. Le sous-ensemble aménagiste (lois, règlements, droit, politiques étatiques et institutionnelles, réseaux nationaux ou internationaux, etc.).

2. L’outillage linguistique

Les premiers travaux d’élaboration d’une bibliographie de la néologie furent une initiative personnelle de ma part à la fin des années 1970. J’étais alors responsable de l’équipe québécoise du Réseau francophone de néologie scientifique et technique créé au printemps 1975 et dont l’antenne québécoise était sous la responsabilité de l’Office de la langue française; quant à l’antenne française, elle était logée au Conseil international de la langue française (Cilf) à Paris. En 1976, le Cilf passera les commandes à l’Association française de terminologie (Afterm), qui cédera sa place à Franterm en 1980. Entre-temps, en 1978, le réseau prendra de l’expansion en direction de la Belgique où une équipe travaillera auprès du Bureau de terminologie de la Commission des communautés européennes (CEE) ainsi que de l’Institut supérieur des traducteurs et interprètes de Bruxelles (Isti). Le contexte général du réseau était donc de nature institutionnelle et son objectif était de procéder à la cueillette des néologismes en vue de l’élaboration de recueils de termes nouveaux, tels la Clé des mots (Cilf), les cahiers Néologie en marche (OLF) et ceux du Centre de terminologie et de néologie (CTN) à Paris. Le relevé de fiches bibliographiques n’entrait pas dans les objectifs premiers du réseau. L’opération fut entreprise à titre personnel, puis, devant l’intérêt qu’elle a suscité, elle devint l’un des pôles de recherche du réseau.

On suivra la chronologie de la série de compilations de 1973 jusqu’à l’arrivée de Neologica. Ne sont retenus dans l’énumération que les travaux spécifiquement consacrés aux bibliographies. Les références ponctuelles qui accompagnent les écrits scientifiques sont donc laissées de côté, car ces textes ont déjà été dépouillés lors de l’élaboration des bibliographies. De même, les incursions dans Internet seront discrètes. Le fil conducteur sera le français.

Avant 1980, les bibliographies consacrées à la néologie étaient très rares, voire inexistantes. Quelques brefs recensements ont pu être repérés, mais aucun recueil substantiel n’a été diffusé.

1. Bernard Gardin, « Orientations bibliographiques », Langue française, no 17, février 1973, p. 124-128.

Dans ce numéro de la revue Langue française consacrée aux « Vocabulaires scientifiques et techniques », l’auteur divise la bibliographie finale en sept thèmes. Deux de ces thèmes intéressent la néologie, soit le premier intitulé « La formation des vocabulaires techniques », qui répertorie quatre titres, et le troisième intitulé « La néologie scientifique et technique » thème sous lequel neuf titres sont rassemblés.

2. Gérard Lefèvre, « Bibliographie », Langages, no 36, décembre 1974, p. 124-128.

Dans ce numéro de la revue Langages qui a pour thème « La néologie lexicale », l’auteur réunit une cohorte de 117 titres dont le tiers porte sur différents aspects de la néologie : 26 références ont trait à la néologie et à la formation des mots, 3 énumèrent des revues traitant de néologie, 3 réfèrent à des dictionnaires de néologismes et 3 renvoient à d’anciens traités sur la néologie et sur la formation des mots qui sont devenus des classiques, soit les œuvres de Louis-Sébastien Mercier (1801) et d’Arsène Darmesteter (1874 et 1877). Malgré l’épaisseur du temps, ces traités demeurent instructifs encore aujourd’hui. Ce sont des jalons capitaux dans l’histoire de la néologie.

3. Keith A. Goddard, « Bibliographie des études des mots d’emprunt dans les langues romanes. I. Les influences étrangères sur le vocabulaire roumain », Revue de linguistique romane, vol. 41, no 161-162, janvier-juin 1977, p. 162-189.

Ce recensement ouvrait une série de compilations qui se voulaient un tour d’horizon panroman sur la question de l’emprunt. Le projet ne semble pas avoir eu de suite. Les travaux du réseau Néorom s’insèrent dans cette lignée de recherche.

4. Pierre Gilbert, « Notice bibliographique sur la néologie », Actes du 6e Colloque international de terminologie, Pointe-au-Pic (Québec), du 2 au 6 octobre 1977, Québec, Office de la langue française, Éditeur officiel du Québec, août 1979, p. 183-188.

Ce petit répertoire de 65 titres faisait suite à la communication présentée par Pierre Gilbert au colloque cité en objet : « Comportement des néologismes scientifiques et techniques dans le temps », l’un des rares textes à traiter de la question des rapports entre la néologie et le temps. L’auteur a rassemblé des titres d’articles, de livres, etc., des noms de dictionnaires et des noms de revues qui traitent de néologie.

5. Jean-Claude Boulanger, Bibliographie linguistique de la néologie 1960-1980. 1. Études linguistiques, coll. « Études, recherches et documentation », Québec, Office de la langue française, Éditeur officiel du Québec, 1981, 292 p.

L’entreprise avait pour objectifs de faire le point sur le matériel écrit traitant de la néologie et de la formation des mots, de sensibiliser les destinataires aux questions reliées à la néologie, de les familiariser avec le phénomène de la créativité lexicale, de rendre disponibles des outils de recherche et de situer la néologie dans l’univers plus vaste de la formation des mots et des termes, de prendre conscience du mouvement général et incessant de la langue ainsi que de documenter l’ouverture de la néologie vers des préoccupations aménagistes. Quant au contenu de la bibliographie, j’envisageais deux orientations : l’une centrée sur la théorie —voir le sous-titre Études linguistiques—, l’autre centrée sur la pratique —les répertoires de néologismes, volet qui devait voir le jour plus tard. La date repère choisie comme terminus a quo pour amorcer le travail fut l’année 1960, ce qui n’interdisait pas de récupérer des titres publiés avant cette date, surtout quand il s’agissait des titres phares, comme les écrits de Louis Guilbert.

Cette bibliographie, la première qui était un tant soit peu substantielle, est de type signalétique. Elle comprend 1056 références et trois index : un index thématique, un index encyclopédique (noms d’auteurs, noms de lieux, noms d’œuvres) et un index des affixes et des mots cités dans les titres.

6. Jean-Claude Boulanger, « Petite bibliographie linguistique et lexicographique de la néologie », TermNet News, no 2-3, 1981, p. 47-72.

Ce modeste répertoire est de type signalétique et thématique. Il contient des titres concernant des études sur la néologie et des titres de recueils de néologismes. La période couverte va de 1960 à 1980. Les 180 références de la section linguistique sont réparties en huit sous-thèmes :

  1. Généralités → 44 titres
  2. Néologie morphologique → 42 titres
  3. Néologie sémantique → 4 titres
  4. Néologie d’emprunt → 28 titres
  5. Néologie et siglaison → 11 titres
  6. Néologie et terminologie → 30 titres
  7. Néologie et idéologie → 11 titres
  8. Néologie et sociolinguistique → 10 titres

Un index alphabétique des auteurs permet de retracer les textes rangés par thème. Quant à la section lexicographique, elle aligne 69 titres de dictionnaires, de recueils, de glossaires, de listes de néologismes ou mots nouveaux.

7. Jean-Claude Boulanger, « Louis Guilbert et la néologie », Terminogramme, no 9, septembre 1981, p. 4-7.

Cet article avait, entre autres, comme objectif de compléter la bibliographie des écrits de Louis Guilbert touchant la néologie. On y trouvera 30 références pour la période qui s’étend de 1959 à 1977, année de la mort du linguiste.

8. Jean-Claude Boulanger, « Petite bibliographie analytique : terminologie et néologie », Travaux de terminologie, no 3, janvier 1984, p. 151-203.

La bibliographie contient les résumés de 25 ouvrages fondamentaux dans les domaines de la terminologie et de la néologie qui furent publiés entre 1962 et 1982. Les titres sont ceux d’œuvres individuelles ou d’ouvrages collectifs (recueils de textes, actes de colloques, mélanges, etc.). L’index des auteurs comporte 123 noms, ce qui représente autant de contributions réparties dans les 25 ouvrages analysés.

9. Roselyne Turcotte, Bibliographie de la néologie : 300 apports nouveaux (1980-1987), sous la direction de Jean-Claude Boulanger et Pierre Auger, coll. « Études, recherches et documentation », Québec, Office de la langue française, Gouvernement du Québec, juillet 1987 [1988], 99 p.

La bibliographie fait suite à la recherche décrite au numéro 5. Elle est de type signalétique; toutefois, des descripteurs accompagnent chaque référence et ils sont réunis dans un index.

10. Jean-Claude Boulanger et Yves Gambier, Bibliographie fondamentale et analytique de la terminologie (1962-1984), coll. « Publication J », no 3, Québec, Université Laval, Centre international de recherche sur le bilinguisme, 1989, 107 p.

L’objectif de la recherche était de faire le bilan des avancées de la terminologie en tant que champ du savoir ayant défini son objet, ses principes et ses méthodes. Unité du champ et diversité des orientations, voilà ce qui ressort de cette compilation dans laquelle la néologie tient une place non négligeable. La bibliographie est sélective en ce qu’elle réunit 123 titres que les auteurs considéraient comme des repères fondamentaux et des références obligées pour qui souhaite s’initier à la terminologie. Les documents recensés devaient être facilement accessibles. Elle est aussi analytique puisque chaque texte répertorié est accompagné d’un résumé. Trois index facilitent la navigation interne : l’index des descripteurs, l’index des auteurs, qui comprend 727 noms, car la majorité des références font écho à des ouvrages collectifs, et l’index des titres des ouvrages cités.

11. Jean-Claude Boulanger, Bibliographie de la néologie. Nouveaux fragments (1980-1989), Québec, Office de la langue française, Gouvernement du Québec, 1990, 196 p.

Ce travail[9] a été réalisé dans le cadre du Réseau international de néologie et de terminologie (Rint). La bibliographie catalogue 600 titres; elle est signalétique, mais des descripteurs informent sur les contenus des textes. Ces descripteurs sont réunis dans un index.

12. Xosé María Gómez Clemente et Alexandre Rodríguez Guerra, « Bibliografía sobre la neoloxía », Neoloxia e lingua galega : theoría e práctica, coll. « Manuais da Universidade de Vigo », vol. 18, Vigo (España), Universidade de Vigo, Servicio de Publicacións da Universidade de Vigo, 2003, chap. 3, p. 191-216.

En 2003, des chercheurs de l’Université de Vigo en Espagne faisaient paraître un ouvrage collectif sur la néologie. Ce livre contient des textes sur la théorie et la pratique de la néologie dans les pays de langue romane d’Europe et d’Amérique. Pour une bonne part, il s’agit en fait d’articles déjà publiés en français et traduits en galicien. Parmi les contributions sélectionnées, on trouve celles de Louis Guilbert, de Bernard Quemada, de Louis Deroy, de moi-même (voir la note 8). Les éditeurs disent avoir réuni un ensemble de textes fondamentaux illustrant les principaux aspects de la néologie, tant du point de vue de la théorie que de la pratique. Outre les articles, un chapitre de l’ouvrage compile une abondante bibliographie de la néologie. On y compte 376 titres. La période couvre un demi-siècle, soit de 1950 à 2000. La décennie 1950 est représentée par trois figures de proue : Einar Haugen (1950), Georges Matoré (1952) et Louis Deroy (1956). La décennie 1960 est bien fertile, mais le plus gros de la cueillette est réparti entre 1970 et 2000. Cette bibliographie est d’autant plus intéressante et pertinente que les auteurs ont réuni des références qui sont tirées de plusieurs langues. Voici le décompte de ces langues présentées en ordre décroissant du nombre de titres répertoriés :

  1. Français → 209 titres
  2. Catalan → 51 titres
  3. Portugais → 29 titres
  4. Anglais → 27 titres
  5. Italien → 26 titres
  6. Espagnol → 20 titres
  7. Galicien → 13 titres
  8. Allemand → 1 titre

3. Le second souffle

Voilà qui conclut le tour d’horizon sur les bibliographies de la néologie publiées sur une période de trente ans. Après 1990 et pour le domaine français, John Humbley et ses collaborateurs assureront la relève. Les dépouillements se poursuivront, et à partir de 1991 il sera rendu compte des résultats par l’entremise de différents supports, le dernier en date étant la revue Neologica.

En décembre 1990, le numéro 4 de la revue Terminologies nouvelles annonçait la reprise des travaux visant à établir « une bibliographie analytique permanente de la néologie » (p. 3) qui ferait suite aux recherches que j’avais menées sur le sujet. On précisait que ce redémarrage se réaliserait dans le cadre des activités du Réseau international de néologie et de terminologie (Rint) et que le support de diffusion serait la revue du Rint. Le texte de présentation du projet annonçait pareillement qu’un recueil faisant suite à celui de Roselyne Turcotte (voir le numéro 9) était « sous presse » et qu’on y retrouvait « plus de 600 titres, parus entre 1980 et 1989 » (p. 3). On faisait ici allusion au titre analysé ci-dessus au numéro 11. John Humbley coordonnera le recensement des publications sur la néologie pour le Rint. Dans le numéro 5 de Terminologies nouvelles, qui paraîtra en 1991, il proposera une première livraison de 27 titres. La bibliographie deviendra dès lors résolument analytique. Par ailleurs, John Humbley puisera un certain nombre de titres dans d’autres langues que le français; il explorera plus particulièrement les langues romanes, anticipant ainsi l’intérêt d’élargir le réseau de néologie aux langues néolatines. À partir du numéro 13 de la revue (juin 1995), il s’adjoindra Chantal Girardin. Ils produiront les fiches tantôt en tandem, tantôt individuellement. Le numéro 21 (2000) de Terminologies nouvelles sera le dernier de la série. On y apprend que « le Rint diffuse dans Internet une bibliographie de la néologie couvrant les publications postérieures à 1980 » (p. 3). Malheureusement, ce site n’est plus actif. Les cahiers du Rifal prendront la relève de Terminologies nouvelles; la continuité se manifestera par la poursuite de la numérotation séquentielle des livraisons. Le premier fascicule de la nouvelle revue portera donc le numéro 22 et il sera publié en 2001. Toutefois, la recherche bibliographique ne correspondant plus aux objectifs du Rifal, elle sera interrompue. John Humbley a tenté de ressusciter cette activité dans le cadre du Centre de néologie et de terminologie (CTN), puis à l’Université de Paris 7, mais les résultats furent mitigés par manque de soutien de la part des instances institutionnelles. Les recensements bibliographiques se poursuivront de manière apériodique, mais ils n’atteindront pas un large public. En 2006, John Humbley et ses collaborateurs attacheront à nouveau le maillon en fondant la revue Neologica qui deviendra le lieu d’accueil des notices bibliographique dont on voit les effets dans le numéro 1 de la revue publié en 2007. Le responsable de la chronique y répertorie 44 études linguistiques et deux dictionnaires. Pendant la période creuse de 2001 à 2007, quelques chercheurs, comme Jean-François Sablayrolles, se pencheront sur la néologie et ils tisseront quelques bibliographies qui circuleront sur le réseau Internet. L’une de ces compilations de Jean-François Sablayrolles est intitulée Éléments de bibliographie signalétique de néologie; elle est accessible à l’adresse suivante : http : //www.eila.jussieu.fr/recherche/neologie/biblio/Biblio_neologie.pdf.

Ce tour d’horizon a pris la forme d’une mise en abyme; il a permis de scruter quelques idées sur la néologie tout en mettant en perspective les recherches consacrées à l’établissement de bibliographies de la néologie entre le milieu des années 1970 et 2007. Ces répertoires sont des initiatives individuelles, des recherches universitaires ou des travaux institutionnels; on y croise les différentes couleurs de la néologie; on y décèle des périodes prolifiques et des accalmies; on y perçoit l’ouverture des recherches à d’autres langues que le français; on y constate enfin une production abondante et permanente d’écrits sur le phénomène de la néologie. Ces tribulations nous ont amenés au seuil d’un nouveau lieu de mémoire pour la néologie. Neologica sera en effet un lieu privilégié qui assurera la continuité de cette indispensable quête de la cascade d’écrits portant sur le fascinant univers des mots nouveaux et de la néologie dont les chercheurs nourrissent les revues, les actes de colloques, les ouvrages collectifs, les mélanges, etc. Et à l’heure du multimédia, les supports de diffusion de l’écrit se diversifient, plus même, ils explosent et prennent des configurations diverses : cédéroms, Internet, différents accessoires électroniques, etc. Au lot de publications traditionnelles sur papier, et modernisation oblige, il faudra songer bientôt à dépouiller ces publications multimédiatiques qui véhiculent les écrits de la « néologosphère ».

Notes

[1] Louis Guilbert, « Théorie du néologisme », Cahiers de l’Association internationale des études française, no 25, mai 1973, p. 9-29.

[2] Ce sigle signifie « Français québécois et usage standard », nom d’un projet de recherche mené à l’Université de Sherbrooke (Québec) et dont l’objet principal consiste à rédiger un dictionnaire québécois de la langue française.

[3] Josette Rey-Debove, « Lexique et dictionnaire », Le langage, coll. « Les dictionnaires du savoir moderne », Paris, Centre d’étude et de promotion de la lecture, 1973, p. 106.

[4] Sur ce sujet, voir Alain Rey, « Néologisme, un pseudo-concept? », Cahiers de lexicologie, fasc. 1, no 28, 1976, p. 3-17.

[5] Id. p. 13.

[6] Voir la note 4 pour la référence.

[7] Sur ce sujet voir Jean-Claude Boulanger et Anna Malkowska, « Itinéraires croisés des emprunts en alimentation : “Les années Petit Robert” » communication présentée au colloque La Journée des dictionnaires, Université de Cergy-Pontoise, 14 mars 2007, texte à paraître dans les actes.

[8] Voir Jean-Claude Boulanger, « L’évolution du concept de “néologie” de la linguistique aux industries de la langue », Terminologie diaclironique. Actes du Colloque organisé à Bruxelles les 25 et 26 mars 1988, [rédactrice Caroline de Schaetzen], Paris, Conseil international de la langue française (Cilf) et Ministère de la Communauté française de Belgique, 1989, p. 193-211. Cet article a été traduit en galicien (voir la notice bibliographique 12).

[9] À la page 203, note 1, du numéro 1 de Neologica paru en 2007, cette bibliographie est attribuée à deux auteurs. En réalité, je suis l’unique auteur de cette recherche.

Référence bibliographique

BOULANGER, Jean-Claude (2008). « Chronologie raisonnée des bibliographies de la néologie précédée de quelques miscellanées », Néologica, no 2, p. 185-199. [bibliographie]

Résumé

Les recherches institutionnelles menées en néologie depuis 1970 ont conduit à l’établissement de bibliographies recensant les écrits portant sur l’univers des mots nouveaux. L’auteur fait le point sur ces compilations mettant ainsi en lumière la dynamique de la néologie en lexicologie et son émergence dans l’orbite de l’aménagement linguistique et de la terminologie. La recension des bibliographies est précédée d’une réflexion portant sur le rapport entre le néologisme et le temps. Il faut donc se pencher sur la signification de l’étiquette néologisme. Deux interprétations sont possibles : d’une part, le mot renvoie à la date d’apparition du mot nouveau, opération prise en charge par les dictionnaires dans la rubrique historique ; d’autre part, le mot renvoie à l’idée de la perception du caractère de nouveauté de l’unité lexicale. Le sentiment néologique dure un certain temps et il varie avec chaque mot. La néologicité s’avère alors une propriété temporaire, ce qui signifie que, du point de vue de la logique, la nature du néologisme est de l’ordre de la qualité —valeur accidentelle— et non pas de l’ordre de la quiddité —valeur essentielle.