La formation des terminologues : une entreprise permanente
Jean-Claude Boulanger (Université Laval)
Les 21 et 22 septembre 1988, une centaine de spécialistes des questions de terminologie se trouvaient réunis à l’École de traduction et d’interprétation de l’Université de Genève afin de faire le point sur l’enseignement de cette discipline qui étend sa zone d’influence dans les universités, les bureaux des gouvernements, les organismes nationaux et internationaux ainsi que dans les entreprises privées (petites, moyennes ou grandes). Cette « Rencontre internationale sur l’enseignement de la terminologie » faisait suite à des colloques du même genre qui se sont déroulés au Canada et en Europe au cours des dix dernières années.
À l’exception de deux conférences plénières intitulées « Terminologie et lexicographie » (Alain Rey) et « Informatique et terminologie » (John McNaught), la rencontre s’est déroulée sous la forme de tables rondes. Il convient d’en rappeler les principaux thèmes :
- Diversité des enseignements;
- Besoins (marché du travail, employeurs, formation, catégories d’intéressés);
- Objectifs, conception, contenu (structure des cours, programme);
- Organisation et méthodes (formation pratique, manuels, vérification et évaluation des connaissances);
- Place de l’informatique dans l’enseignement de la terminologie.
Tous les participants disposaient d’une série de documents contributifs (articles, plans de cours, schémas de formation, etc.) préalablement distribués et qui servaient de toile de fond aux échanges entre les « tables-rondistes » et les personnes de l’assistance. Les deux jours de discussions ont permis de mettre en relief un certain nombre d’éléments communs dans les programmes de formation tout comme il est manifeste que plusieurs différences existent. Il est utile de mentionner ici les points importants, en dehors du tronc commun, trop connu pour qu’on insiste, qui sont ressortis de ces échanges :
- Dans la plupart des pays d’Europe, la terminologie est encore, sinon essentiellement, axée sur la traduction. On se tourne vers elle pour chercher des solutions à des problèmes de traduction spécialisée. La satellisation de la terminologie à la traduction semble caractériser les travaux européens; elle a donc des conséquences sur la formation. On remarque aussi qu’à l’exception de la Catalogne, le processus d’aménagement linguistique est peu pris en compte.
- Plusieurs entreprises européennes, notamment suisses, allemandes et hollandaises, ainsi que les organismes internationaux (CEE, ONU, etc.) emploient des terminologues et leur assurent une formation continue. Étant donné le nombre plus restreint de vocations terminologiques en France, cette habitude semble moins répandue, même si l’on constate des progrès récents.
- Quelques pays sont encore imperméables à la terminologie, ou presque. Les percées sont lentes et timides en Italie, en Espagne (sauf en Catalogne), au Portugal, etc.
- Peu d’universités offrent des programmes de formation au 2e et au 3e cycles. Corollairement, la recherche subventionnée tant théorique que pratique, menée par les professeurs et les diplômés, est très limitée.
- La formation des formateurs devient une question importante, surtout depuis que des linguistes généralistes se convertissent à la terminologie.
Ces constats n’infirment en rien la solide implantation de la terminologie dans les universités et les liens de plus en plus étroits qui se dessinent entre les institutions universitaires et les employeurs privés ou publics.
Outre les bases communes qui ont été souvent rappelées au colloque, la rencontre de Genève a permis de constater la vitalité de la terminologie et la modernisation des outils de recherche et de formation. D’une part, plusieurs nouveaux visages étaient présents à la rencontre : cette relève souhaitée et attendue augure bien pour l’avenir de la discipline. D’autre part, de nombreuses interventions ont souligné l’introduction effective ou imminente de la terminotique dans le réseau de formation des terminologues; les nouvelles technologies jouent désormais un rôle considérable dans les cursus universitaires.
La Rencontre internationale sur l’enseignement de la terminologie a bien mis en évidence que les universitaires, les praticiens et les employeurs ont opéré leur jonction une fois pour toutes et que la terminologie est devenue un axe majeur des industries de la langue.
Référence bibliographique
BOULANGER, Jean-Claude (1989). « La formation des terminologues : une entreprise permanente », Terminogramme, no 52, printemps, p. 10. [article]