Le paysage lexicographique français entre 1878 et 1932 : portrait d’une culture d’époque

Jean-Claude Boulanger (Université Laval)

1. Un siècle de dictionnaires

Le présent article propose un bref voyage archéologique au cœur du monde des dictionnaires français parus entre 1878 et 1932. L’itinéraire temporel choisi est balisé, au départ et à l’arrivée, par les septième et huitième éditions du Dictionnaire de l’Académie française (DAF). Nous ne nous aventurerons pas sur les terres académiques, sinon pour établir les raccords indispensables afin de bien comprendre la situation évoquée ou pour remémorer les idées, souligner les aspects que les auteurs doivent aux travaux réalisés par la Compagnie. Notre objectif ne consiste pas à explorer les dictionnaires issus des réflexions des Immortels mais bien plutôt les répertoires péri-académiques. En ce domaine, il ne peut être question d’exhaustivé, tant s’en faut. Ainsi donc, le circuit est délimité par quelques recueils représentatifs de l’industrie du dictionnaire au cours de la période envisagée. Celte focalisation autorise à scruter aussi bien les dictionnaires ayant eu un large succès commercial dans le public que ceux dont on retient les titres parce qu’ils ont durablement influencé la réflexion sur les principes et méthodes de la lexicographie moderne. Avant tout, au plan social et au plan épistémologique, c’est la valeur exemplaire des ouvrages disponibles qui a guidé la sélection de ceux dont nous voulions aborder la genèse.

Au moment de la parution de la septième édition du DAF en 1878, deux œuvres majeures venaient tout juste d’être mises à la disposition du public : le Dictionnaire de la langue française (DLF) d’Émile LITTRÉ, publié de 1863 à 1873, et le Grand dictionnaire universel du XIXe siècle (GDU) de Pierre LAROUSSE, publié de 1866 à 1876. Les quatre volumes du Littré et les quinze tomes du Larousse seront rapidement enrichis de suppléments, un pour le DLF (1877) et deux pour le GDU (1878 et 1890).

Après la fusion du mot et de la chose dans l’Encyclopédie de DIDEROT et d’ALEMBERT, la période était propice à la réapparition de la nécessaire dichotomie qui définira les deux principaux courants de la recherche dictionnairique dont les bâtisseurs de répertoires s’inspirent toujours 125 ans après : le dictionnaire de langue, qui capte les mots, et le dictionnaire encyclopédique, dont le schéma binaire permet la mise en cage simultanée des mots et des choses. Ce double dimensionnement de la lexicographie de langue française moderne s’est opéré avant 1870, principalement grâce à LITTRÉ et à LAROUSSE.

Il apparaîtrait illogique, sinon inconvenant, d’entreprendre de parcourir le paysage lexicographique français entre 1878 et 1932, date de parution du premier fascicule —et du premier volume— de l’avant-dernière édition du DAF, sans s’arrimer à l’action pionnière des deux grands auteurs de dictionnaires que sont Émile LITTRÉ et Pierre LAROUSSE, car leurs noms et leurs œuvres résonnent encore familièrement aux oreilles des contemporains, tout en ne laissant personne indifférent. Dans cette suite paysagique, ils traverseront régulièrement les grands fleuves de notre champ d’observation. Ils seront fréquemment convoqués en tant qu’explorateurs d’avant-garde dans l’aventure dictionnairique, tout comme on rappellera au besoin l’influence prépondérante exercée par leurs activités scientifiques sur la pratique et sur le devenir de la lexicographie de la fin du XIXe et du début du XXe siècle.

2. La science en progrès et les nouvelles coordonnées de la lexicographie

La rigueur scientifique, jointe aux données novatrices de la linguistique et aux approches renouvelées de l’histoire, imprégnera la recherche lexicographique de la deuxième moitié du XIXe siècle. S’ajoutent à ces conquêtes, l’influence prépondérante de la théorie de l’évolution et celle des idées philosophiques. À l’image d’autres théories qui révolutionnent des pans entiers des sphères d’activité, plusieurs linguistes et lexicographes assimileront le darwinisme et le transposeront dans leurs propres recherches. « C’est la confirmation que le langage est un organisme, et que, sur le plan de l’histoire, cet organisme naît, se développe, évolue, décline et meurt [...] » (MOUNIN, 1967 : 195).

Le XIXe siècle « fut à la fois le siècle de l’histoire —d’une histoire rénovée par la critique— et celui des sciences positives et expérimentales » (IMBS, 1965 : 468). Bien vite, les pratiques lexicographiques françaises se sont emparées de ces conceptions scientifiques et historiques. Conséquemment, la lexicographie bénéficie d’apports d’origines diverses qui tracent des coordonnées parallèles servant à orienter et à animer la plupart des travaux de confection des dictionnaires. À un titre ou à un autre, toutes les œuvres lexicographiques édifiées entre la septième et la huitième édition du DAF se positionnent sur ces nouvelles coordonnées au centre desquelles règne le concept d’« ordre ». Seule l’Académie, maîtresse de son territoire, demeure imperméable aux idées nouvelles et résiste à ces poussées. Partant, elle n’actualise pas ses méthodes.

2.1. Première coordonnée : les sciences naturelles —la biologie

Sciences dominantes, les sciences naturelles proposent rapidement et à tous un modèle à imiter. La société devient chez les positivistes comme Auguste COMTE un organisme vivant dont l’origine est biologique. À la fin du siècle, Arsène DARMESTETER introduira lui aussi les principes biologistes dans ses écrits sur la langue (1887 : 3). Puis, de manière plus spécifique, il en fera l’une des articulations clés de la méthode du projet lexicographique dans lequel il s’était engagé.

2.2. Deuxième coordonnée : l’histoire

La lexicographie est aussi axée sur un ordre associé à une série de successivités événementielles. De là, pour le lexicographe, l’obligation de faire appel à l’histoire pour conforter son dessein, pour assurer ses descriptions, pour effectuer ses mises en perspective diachroniques (MATORÉ, 1985 : 606). « Pendant longtemps [...J, le dictionnaire n’a été considéré que comme l’expression, fidèle ou non, de la réalité du lexique; or celui-ci était considéré, en raison du prestige exercé au XIXe siècle par l’Histoire et les Sciences naturelles, comme un phénomène essentiellement évolutif; des dictionnaires comme le Littré ou le Dictionnaire général sont surtout des ouvrages historiques » (MATORÉ, 1983 : 88). Dans les dictionnaires du temps, sont donc disposées en parallèle les recherches sur l’histoire linguistique et les recherches sur les événements qui font l’histoire des nations.

2.3. Troisième coordonnée : la philologie

La lexicographie bénéficiera grandement de la révolution linguistique amorcée par la grammaire comparée dans laquelle la philologie classique rénovée occupera une position centrale. Elle se fera le reflet fidèle des recherches menées sous la conduite des philologues de l’époque. Après 1870, plus encore après LITTRÉ, la philologie scientifique et patriotique imprégnera les grandes entreprises de lexicographie culturelle (QUEMADA, 1990 : 878).

2.4. Quatrième coordonnée : ta pédagogie et le didactisme

Pierre LAROUSSE restera toujours loyalement attaché à sa formation d’instituteur. L’orientation pédagogique transparaît dans toute son œuvre lexicographique et encyclopédique. Il introduit donc un principe méthodologique qui manquait jusque-là : le programme proprement pédagogique et didactique du dictionnaire. Pour l’ancien enseignant et héritier des philosophes des Lumières, la vulgarisation et le résumé forment un credo. Cette mise à disposition générale du savoir humain encyclopédisé repose aussi sur l’idée très sociale de vouloir simultanément servir le laïcisme et la démocratie. La nature de l’information encyclopédique prolongeait, complétait, stabilisait l’enseignement de base reçu à l’école. Pour Alain REY, LAROUSSE « se passionne pour un message didactique, au sein duquel les idées —républicaines, optimistes, scientistes— et les sentiments —généreux, démocratiques, tolérants mais vifs— l’emportent sur la connaissance linguistique, et où cette connaissance est socialisée, utilisée pour l’amélioration du citoyen » (1990 : 1820).

En conséquence, le souci pédagogique conduit à une sélection soigneuse et serrée des entrées, cl cela en dépit de l’hospitalité manifestée à l’égard de toutes les couleurs du lexique. Les lexicographes qui œuvrent dans la constellation pédagogique ont tendance à éliminer les mots rares, à écarter les mots tabous ou à contenu tabou, à faire une croix sur les mots peu connus par l’institution enseignante, pour ne s’arrêter que sur la langue socialement reçue.

2.5.De ta géométrie de l’ordre

L’observation des phénomènes et la détermination des lois qui régissent leur organisation occupent une position stratégique dans les recherches lexicographiques. Avec LITTRÉ, l’ordre devient le concept phare, le mot d’ordre! « Son dictionnaire est donc une seconde linéarité, l’ordre d’un ordre » (MESCHONNIC, 1991 : 168). Mais l’ordre littréen, l’ordre laroussien, l’ordre du trio du DC, pour être non arbitraires, n’en sont pas moins méthodologiquement successifs et contrastés. Chacun est intelligible en fonction d’une géométrie dictionnairique distincte et d’un temps immobilisé.

L’ordre est aussi conçu comme la régulation des usages. De fait, la lexicographie de l’époque est remarquable par son purisme et l’attachement assez prononcé qu’elle manifeste à l’égard de la littérature classique (MATORÉ, 1985 : 607). À l’exception de l’Académie (QUEMADA, 1985), l’approche diachronique sublime la synchronie et encore plus, selon les mots d’Auguste COMTE, « la présidence mentale de l’avenir ». En dépit de leurs velléités modernistes (regards sérieux et documentés sur les néologismes, les régionalismes, les technolectes...), les dictionnaires sont plutôt en retard sur l’actualité lexicale et sur l’usage de leur temps. La norme est contraignante, prescriptive et non objective, chez la plupart.

3. Les couleurs vives du spectre de la lexicographie française péri-académique

Quelle que soit l’époque, les dictionnaires projetés ou publiés entre deux éditions de l’Académie reposent pour ta majorité sur une même idée filiatrice, à savoir importer la nomenclature du DAF et proposer des aménagements, des améliorations à la méthode du célèbre dictionnaire de la Compagnie. Bien entendu, il s’agit ici des dictionnaires qui appartiennent à la même constellation que le DAF : celle du dictionnaire général monolingue (DGM) du fiançais. La production dictionnairique qui suit la parution du DAF en 1878 est très abondante (QUEMADA, 1990 : 890-894 et REY, 1990 : 1838-1842). La présente revue ne retiendra de ce florilège que quelques pièces marquantes pour la lexicographie monolingue. C’est à travers une sélection de témoins privilégiés de la « belle époque des dictionnaires français » (REY, 1990 : 1822) que l’on verra comment les lexicographes ont archivé le spectre des connaissances linguistiques et encyclopédiques de leur temps. Ce paysage, on peut le baliser très longuement ou, au contraire, assez simplement, avec des absences, des lacunes et, sans doute, des injustices, car l’histoire et la conscience collective sont elles-mêmes sélectives, injustes et lacunaires quand il s’agit de raviver la mémoire. C’est le cas, par exemple, du Dictionnaire classique d’Augustin GAZIER (1887) « qui semble l’avoir emporté dans le public sur le Larousse équivalent, avant le Petit Larousse de 1905 » (REY, 1990 : 1825). Jusqu’en 1923, le Gazier se réclame de 42 éditions et les ventes atteignirent les 900 000 exemplaires (REY, 1990 : 1825).

Les propositions de refondre le DAF, d’élargir sa nomenclature aux mots usuels (GUÉRIN, LAROUSSE), de considérer les savoirs thématiques et la variation régionale (GUÉRIN), de recourir aux écrivains admis, aux références classiques tout spécialement (HATZFELD), d’introduire les étymologies et les datations (HATZFELD), de parfaire les définitions, de soigner les réseaux analogiques structurants, etc., implantent une perspective historique, une dimension diachronique à cent lieux de la pensée académique (QUEMADA, 1982 : 350).

3.1. Le Dictionnaire des dictionnaires (1886-1890)

Les six volumes du Dictionnaire des dictionnaires (DD), dirigé par Paul GUÉRIN, furent publiés de 1886 à 1890 (QUEMADA, 1990 : 891 et REY, 1990 : 1840; l’année 1884 est également une date souvent avancée pour la publication du premier volume; on a retenu ici celle qui figure à la fin de l’introduction). Une seconde édition en 1892, puis une troisième en 1898, entrecoupées par un Supplément illustré (1895) —qui sera fusionné dans la nomenclature de la troisième édition— en font un répertoire ayant eu un certain retentissement à la fin du XIXe siècle. S’il fut spolié ou récupéré par la suite et publié sous le titre de Encyclopédie universelle du XXe siècle. Lettres, sciences, arts. Illustrée (12 vol. : 1904; aussi 1908-1910), il n’a pas lui-même franchi la frontière du siècle. REY (1990 : 1824) raconte l’étrange mésaventure qui fut réservée au DD dont le texte fut en grande partie annexé par deux anciens collaborateurs de GUÉRIN, Alfred MÉZIÈRES et Frédéric LOUÉE. C’est d’ailleurs LOLIÉE qui avait signé l’introduction de la première édition du DD.

Le titre même du dictionnaire montre à quel point les ouvrages se succèdent tout en tirant le meilleur profit de leurs devanciers. L’avertissement du DD l’exprime fort bien : « Le Dictionnaire des Dictionnaires, comme son titre l’indique, contient la substance de tous les dictionnaires, c’est-à-dire le résumé des connaissances humaines, sous forme de vocabulaire » (1886 : V). Comme d’autres avant lui, et comme le feront ses successeurs immédiats, le DD s’est appuyé sur ses prédécesseurs, spécialement sur le Littré pour la partie langue. « Tout en ayant choisi pour modèle, quant à l’anatomie des articles, l’admirable travail de Littré, il le dépasse par l’abondance de la nomenclature, par la diversité des exemples et par l’extension du cadre des auteurs » (LOLIÉE, 1886 : XXVIII).

De par sa physionomie, le DD est l’un des derniers représentants des dictionnaires dits « universels ». Son sous-titre : Lettres, sciences, arts. Encyclopédie universelle fait clairement écho à ce courant. Le texte introductif précise les visées ambitieuses envisagées pour cette œuvre. LOLIÉE mentionne que le but général recherché par le dictionnaire consiste à intéresser et à instruire « le plus grand nombre possible en fournissant le plus possible aussi de faits et de notions exprimés sous des formes brèves » (LOLIÉE. 1886 : XXXV).

C’est dire comment la nomenclature du DD est abondante, riche et diversifiée. Elle est formée des mots de la langue générale —y compris des archaïsmes médiévaux, des mots familiers et des mots argotiques— des terminologies scientifiques et techniques, ainsi que des noms propres. Fréquemment, les termes des savoirs technolectaux sont identifiés par des étiquettes de domaine (REY, 1990 : 1824-1825). Les sphères privilégiées sont, entre autres, la botanique, la zoologie, la physique, la chimie, la médecine, l’histoire et, bien entendu, la géographie, présente également à travers les nombreux toponymes et gentilés sélectionnés. Au crépuscule de son siècle, l’auteur souhaitait rendre compte des progrès universels. En contrepoint de ces avancées, les noms des personnages qui se sont illustrés dans les sciences, les techniques ou d’autres domaines rejoignent également les colonnes du dictionnaire. GUÉRIN procède de manière identique pour les arts et la littérature. Il interclasse les noms propres de personnes, de lieux... avec les noms communs et il introduit des notions encyclopédiques à la fin de certains articles, ce qui complète et renforce le caractère à la fois philologique et proprement encyclopédique du dictionnaire. De plus, le Supplément innove à sa manière en incorporant une iconographie beaucoup plus prolixe (gravures, cartes géographiques, tableaux thématiques, etc.). « Le Dictionnaire des dictionnaires est un intéressant hybride où la tradition de Littré et de Godefroy est mêlée au didactisme terminologique et encyclopédique de Larousse » (REY, 1990 : 1825).

Le Guérin enregistre un nombre impressionnant d’exemples du lexique littéraire de son temps, ce qui manquait à ses devanciers LITTRÉ et LAROUSSE, et qui manquera grandement à son contemporain HATZFELD. Présentées sans autres références que les noms abrégés des écrivains ou des titres des dictionnaires, ces citations réappropriées perdent quelque peu de leur valeur d’autorité. Le dictionnaire revêt un caractère véritablement synchronique en actualisant la langue du XIXe siècle dans les articles. Sur cette voie, il rejoint LAROUSSE, mais moins régulateur que lui, il se fait « tout hospitalier à l’égard du néologisme » (LOUÉE, 1886 : XXXI), aussi bien le « néologisme de choses » que le « néologisme d’expression ». Ce dictionnaire est le premier à avoir inclus systématiquement dans la nomenclature des unités lexicales relevant de la variation géographique. Il se montre très accueillant aux lexiques des variétés du français et il ouvre généreusement ses pages aux régionalismes français, belges, suisses et canadiens (LOLIÉE, 1886 : XXXI), surtout dans le Supplément, il est vrai. Par exemple, la part des canadianismes dans le complément représente 341 mots et emplois (GIROUX, 1991). Outre l’indicatif de localisation géographique, le cas échéant, il n’y a pas de discrimination normative dans le traitement microstructurel des mots régionaux. Les entrées ou les sens relatifs à ces unités sont fusionnés avec les autres.

En raison de sa position à l’égard des variétés de français, le DD se démarque nettement de ses collatéraux et contemporains. Bien entendu, cette large ouverture sur les français régionaux n’est pas étrangère à l’idée de vouloir faire plus universel. Dans ce projet d’universalité, l’auteur prend en considération la dispersion géographique de la langue. L’histoire acquiert ainsi son ultime dimension. La double observation diachronique et diatopique du langage a pour but une description totale du lexique, en dressant « l’inventaire le plus riche, le plus varié des emplois de la langue française, prise à ses origines et suivie jusqu’à ses expansions toutes contemporaines » (LOLIÉE, 1886 : XXVIII). Du point de vue nomenclaturel, les auteurs avaient amplement raison de concevoir leur dictionnaire comme étant « le Thésaurus le plus complet qu’on ait publié de la langue française » (LOLIÉE, 1886 : XXXV).

3.2. Le Dictionnaire général de la langue française (1890-1900)

Le Dictionnaire général de la langue française (DG) est un monument lexicographique aujourd’hui presque oublié en dehors des cercles de lexicographes et de métalexicographes. Aux yeux des lecteurs et des critiques avisés, le DG « est peut-être le sommet de la lexicographie française philologique et historique » (REY, 1990 : 1822). De l’avis de QUEMADA (1990 : 879), le DG devint immédiatement après sa parution « le meilleur répertoire historico-philologique du français moderne » et cela en raison de ses datations précises pour l’époque et exploitées avec un soin particulier, pour sa « fiabilité graphique, textuelle, sémantique des emplois et des analyses » (voir aussi PARIS, 1901).

Le maître d’œuvre du DG, Adolphe HATZFELD, a amorcé ses travaux en 1871, presque vingt ans avant la parution du premier fascicule, en juillet 1890 (sur les dates de parution du DG, v. RETTIG, 1982). Le dictionnaire se distingue de deux manières : d’abord par sa facture même, puisque, outre le lexique alphabétique, il renferme un important et volumineux Traité de la formation de la langue française; ensuite, par son architecture microstructurelle qui rénove complètement la rubrique historique tandis que la rubrique définitionnelle organise l’agrégat des significations suivant une conception logicienne.

3.2.1. Le Traité de la formation de la langue française

Conçu et en partie rédigé par Arsène DARMESTETER, le Traité de la formation de la langue française fut terminé par deux collaborateurs d’Adolphe HATZFELD, Antoine THOMAS et Léopold SUDRE (DG 1890 : 1 n.I pour le détail). Cette section s’étend sur 300 pages et elle forme avec le corps du dictionnaire un amalgame sans équivalent dans la lexicographie française. Alors que le répertoire alphabétique est un ensemble clos artificiellement par les limites de la nomenclature, le Traité permet de garder ouvert le grand réservoir lexical, car il rassemble en quelques centaines de paragraphes tous les modèles qui gèrent l’évolution des mots et qui régularisent la formation des nouvelles unités lexicales. Dans le corps des articles, la grande majorité des mots est munie d’un, de deux ou de plusieurs numéros qui renvoient aux paragraphes correspondants dans ce tableau. Celui-ci complète le dictionnaire, il le contrôle, l’explique, le théorise. Il est « le révélateur objectif des conceptions théoriques des auteurs » (QUEMADA, 1990 : 879).

3.2.2. Le dictionnaire et sa conception

La doctrine du DG met en évidence trois phénomènes majeurs : la place de l’histoire et de la science dans l’ouvrage, la conjonction de la logique et de la linguistique philologique, l’organisation spécifique de la nomenclature et son déploiement sous la forme de monographies lexicales composant les articles.

Les modes d’organisation des données lexicales et étymologiques s’inspirent des vues historico-évolutionnistes en vogue à la fin du XIXe. Ces orientations nouvelles, notamment en rapport avec la généalogie des sens, justifiaient à elles seules l’élaboration d’un dictionnaire nouveau, concurrent du Littré, mais néanmoins respectueux de l’œuvre de l’illustre prédécesseur. La rigueur et la rationalité hantaient HATZFELD. Dans son optique, il fallait obéir aux lois classificatrices naturelles et biologiques qui commandaient que l’observation des faits linguistiques repose sur une méthode comparable à celle des sciences de la nature. Une phrase de l’introduction résume clairement l’hypothèse scientifique : « Lorsqu’un mot a plusieurs sens, il constitue véritablement un genre, dont les acceptions principales forment pour ainsi dire les espèces, et les acceptions secondaires les variétés » (HATZFELD/DARMESTETER, 1890 : XVII). Autrement dit, énumérer tous les sens d’un mot d’une manière linéaire, le procédé fût-il historique et logique, c’est néanmoins méconnaître les lois fondamentales qui gouvernent toute classification. Les nouveaux mécanismes inspirés des sciences étaient désormais en place pour que la logique et la philologie combinent leurs efforts. « C’était —enfin— la rencontre de la classologie, domaine important de la gnosiologie et de l’épistémologie, avec la lexicographie » (REY, 1990 : 1823).

Dans le DG, la méthode historique est aussi importante et présente que la méthode scientifique. Les auteurs ont fait leur credo de l’observation scrupuleuse des principes de l’acquis du passé. « La méthode historique ne consiste pas simplement à faire connaître les divers sens d’un mot, en partant de la signification première, de laquelle toutes les autres sont sorties » (HATZFELD/DARMES TETER, 1890 : 1). Les lexicographes veulent avant tout montrer l’enchaînement et les liens entre tous les faits recueillis. Son sens de la précision naturelle et son esprit logique portent HATZFELD à concevoir un dictionnaire dans lequel l’ordre, l’exactitude, la clarté et la rigueur doivent dominer. Il a été le premier à entrevoir la pertinence d’une organisation, d’une analyse arborescente des sens, plutôt que de restreindre la Filiation sémantique au simple niveau scalaire comme chez tous ses prédécesseurs.

La tranche temporelle déterminée pour la nomenclature demeurait classique, au double sens du terme. D’une part, parce qu’elle envisageait l’usage reçu, choisi et traditionnel du français, d’autre part, parce que le dictionnaire était destiné à un public scolaire, celui des classes supérieures du lycée. Aussi la langue décrite est-elle celle qui embrasse les XVIIe et XVIIIe siècles, ainsi que le début du XIXe.

Sous l’angle quantitatif, la nomenclature du DG est passablement limitée. Plusieurs experts y ont d’ailleurs vu l’une des faiblesses du dictionnaire (MATORÉ, 1968 : 130; REY, 1990 : 1823). S’il y eut bien malgré tout une timide ouverture de la nomenclature, c’est grâce à l’insistance de DARMESTETER et de THOMAS. Tour à tour, ils ont cherché à convaincre le concepteur principal de la nécessité d’accroître quelque peu le volume des mots, et surtout de s’ouvrir plus généreusement au vocabulaire récent. Mais HATZFELD ne voulait pas moderniser sa nomenclature, d’ailleurs en grande partie importée de la septième édition du DAF, et il ne cédera pas sur l’essentiel. Par conséquent, le vocabulaire contemporain du dictionnaire demeurera nettement déficitaire. Lorsqu’elles sont consignées, bien des créations du XIXe siècle sont tout simplement notées comme appartenant à la catégorie des néologismes. « Les mots créés au XIXe siècle sont accompagnés de la mention “néologisme” » (HATZFELD/DARMESTETER, 1890 : XIII), alors que les unités qui ne se trouvent pas recensées dans la septième édition du DAF sont précédées d’un astérisque. Sauf quelques exceptions évoquées ci-dessus, l’arrêt sur l’image lexicale se fait sur le corpus littréen (1600-1800). Encore que HATZFELD ait tamisé le DLF, laissant échapper plusieurs mots importants. La primauté donnée au lexique classique et postclassique décale d’un siècle l’objet linguistique décrit par rapport au moment de la réalisation du dictionnaire. Ce décalage volontaire de la part des auteurs marque selon toutes les apparences une position bien définie devant la norme. La règle normative qui domine le DG est donc la même qui régnait aux XVIIe et XVIIIe siècles. « Le Dictionnaire général manifeste, plus encore que le Littré, une certaine indifférence quant à l’usage » (REY, 1990 : 1833).

L’étymologie et les datations tiennent une place de premier choix dans le DG. C’est DARMESTETER qui prendra la responsabilité de la révision des étymologies du nouveau dictionnaire et qui y introduira le courant philologique. THOMAS complétera magnifiquement le travail après 1888. La parenthèse étymologique incorpore également et systématiquement la date d’apparition de chaque mot dans la langue (BLOCH, 1933 : 123).

En marge de la turbulence néo-grammairienne et en pleine sémantique évolutive, HATZFELD et DARMESTETER entreprennent de « resserrer la pléthore sémantique de Littré dans un cadre logique » (BERGOUGNIOUX, 1986 : 111). Cette doctrine préstructuraliste demeure évidente et l’arborescence tranche nettement par rapport à la progression sémantique linéaire des dictionnaires antérieurs, surtout celui de LITTRÉ.

La moindre analyse attentive révèle l’admirable cohérence du dictionnaire, l’opportunité de la bipolarité entre le Traité et le lexique capté et décrit dans les articles, la systématicité dans la planification de la niche des sens, qui « se succèdent dans un ordre logique décroissant, de l’abstrait au concret, du général au particulier » (WAGNER, 1967 : 151). Mais si la portée linguistique et didactique de ce schéma de construction est indéniable, « elle a pour contrepartie un inconvénient sur lequel tous les lexicographes modernes tombent d’accord : c’est que le Dictionnaire général ne fournit aucune donnée positive sur la situation en langue des mots dont il traite » (WAGNER, 1967 : 151-152). La démarche méthodologique retenue a pour conséquence d’assigner maintes fois le premier rang dans la généalogie des sens à une valeur dont la fréquence d’emploi s’était raréfiée ou avait considérablement vieilli dans le discours contemporain. Mais cette démarche ne trahit pas l’histoire et WAGNER est sévère à l’égard des auteurs lorsqu’il soutient que l’idéal que devrait viser un DGM est du tout opposé au dessein de HATZFELD, DARMESTETER et THOMAS en ce qu’il « consiste à décrire un état réel, concret, au sein duquel les relations de terme à terme, et pour un terme, d’emploi à emploi, ne sont forcément réglées ni par l’étymologie ni par la logique » (WAGNER, 1967 : 152).

Emblème de la nouvelle lexicographie vingtièmiste, le DG « pourtant bien accueilli, ne supplantera pas, dans la réaction puriste des années 90, le conservatisme philologique de Littré » (BERGOUGNIOUX, 1986 : 119). Il est vrai que la norme du

Littré était plus explicite, plus affirmée. Le DG fut peut-être un dictionnaire trop parfait et qui fut victime de sa scientificité, un livre des mots un peu trop déshumanisé aux yeux d’un public principalement constitué d’apprenants intéressés par la langue vivante.

3.3. Le Petit Larousse illustré (1905)

Le coup d’envoi du petit dictionnaire monovolume maniable et aisément (trans)portable est donné par Pierre LAROUSSE en 1856, du moins pour la période moderne (pour l’époque plus ancienne, v. QUEMADA, 1967 : 250-262). LAROUSSE publie alors le Nouveau Dictionnaire de la langue française (NDLF) dont la vocation est plurielle, comme l’indique le sous-titre de l’édition de 1869 : Quatre dictionnaires en un seul. Cette même année 1869 —certaines sources indiquent 1879!—, le NDLF devient le Dictionnaire complet de la langue française (DCLF). Il s’ornera d’illustrations à partir de 1878. L’insertion de vignettes est une nouveauté d’importance sur quatre plans ou moins : le domaine éditorial, le domaine didactique, le domaine sémiotique et le domaine méthodologique (REY, 1990 : 1822). Sous l’angle social et sous l’angle pédagogique, le NDLF « inaugure une formule de compendium alphabétique qui, en France, colore la transmission démocratique du savoir dans la seconde moitié du siècle avant d’envahir au XXe l’“école et la nation” » (REY, 1987 : 8). En 1879, il sera mis en harmonie avec la septième édition du DAF.

Claude AUGÉ a dirigé la rédaction du Nouveau Larousse illustré (NU), qui fut publié en sept volumes de 1897 à 1904 et qu’un supplément prolongera en 1907. Mais sa plus grande aventure, ce fut l’importante série de dictionnaires de dimensions réduites dont il eut la responsabilité, comme le Dictionnaire complet illustré (DCI), créé et réalisé en 1889 et qui, renouvelant et modernisant la formule instaurée par LAROUSSE avec le NDLF et le DCLF, devint, en 1905 [1906], le Petit Larousse illustré (PLI).

Dans l’intervalle, entre le milieu et la fin du XIXe siècle, le marché du dictionnaire monovolume à vocation scolaire fut très actif. Il se partageait entre plusieurs ouvrages louables, comme le « Bénard » (1863), le « Gazier » (1887), le petit « Larive et Fleury » (1901), sans parler du « Littré-Beaujean » (1874), qui est cependant de nature quelque peu différente (REY, 1986 : 644-645 n. 9; 1990 : 1824).

Lorsque le PLI proprement dit naît le 29 juillet 1905, le monde des dictionnaires scolaires est foisonnant. Son apparition n’est donc pas un événement extraordinaire. Dès son arrivée sur le marché, il offre une allure prospective qui le caractérise puisqu’il porte deux dates, celle de l’année de sa sortie : 1905, et celle de l’année qui suit sa publication : 1906. Outre le titre se répartissant sur trois lignes, la première édition ordinaire porte déjà sur sa couverture brique les insignes célèbres que sont la semeuse d’Eugène GRASSET, gravée en pleine page, la devise « Je sème à tout vent » et quelques indications sur le contenu de l’ouvrage : 5 800 gravures, 130 tableaux, 120 cartes. Le volume a sensiblement les mêmes structures que ses prédécesseurs de la même lignée généalogique que sont le NDLF, le DCLF et le DCI : une section pour les noms communs, une section pour les noms propres et les rituelles pages roses répertoriant les locutions latines et étrangères. André RÉTIF, l’historien et archiviste laroussien, a estimé qu’entre 1905 et 1975, le PLI s’était diffusé à plus de 30 millions d’exemplaires dans la francophonie et ailleurs (1975 : 308).

En 1924, le PLI devient le Nouveau Petit Larousse illustré. Ce sera la première d’une série de refontes régulières. En effet, après 1905, plusieurs remaniements mineurs ou appréciables ont chaque fois remis le PLI au goût du jour, l’adaptant à la modernité du temps, mais sans oblitérer sa nature première. Les remises à niveau importantes ont eu lieu en 1924, 1935, 1948, 1952, 1959, 1968, 1981 et 1989.

Avec le PLI, Claude AUGÉ perfectionne, plus qu’il ne l’invente, la formule moderne du dictionnaire d’usage et du dictionnaire à tiroirs multiples. Fonçant vers l’avenir, plutôt que de prêcher sur les vertus du passé, il établit les grandes articulations d’un dictionnaire à l’esprit résolument moderniste. Cinq aspects méritent d’être remémorés : l’importance de l’« usualité » des mots, de leur aspect vivant et contemporain; la présence des terminologies modernes; des articles brefs, clairs et informatifs; les développements encyclopédiques; l’iconographie.

Le PLI est le fruit des préoccupations pédagogiques ayant toujours animé son lointain concepteur. Il synthétise, perfectionne et enrichit ses prédécesseurs patrilinéaires. Sa nomenclature est normative, tout en étant accueillante à quelques néologismes. Dans les articles, les lexicographes ont revu les rubriques, reformulant au besoin les définitions, corrigeant et précisant, actualisant ce qui le nécessitait, ajoutant des informations relatives aux synonymes, aux antonymes, à l’étymologie, etc.

Destiné à perfectionner un double apprentissage, « celui de la langue maternelle avec son écriture et celui des matières enseignées par l’école » (REY, 1990 : 1821), le PLI devient rapidement le symbole de l’univers laïque, la « bible fragmentée et fragmentaire du savoir laïque » (REY, 1986 : 638) dont chaque article forme un verset et chaque partie un évangile, comme le suggérait le sous-titre du NDLF : Quatre dictionnaires en un seul.

Malgré des mutations périodiques, chaque édition du dictionnaire demeure fondamentalement synchronique, comme les recueils de l’Académie. Le PLI entretient une image stable où fusionnent l’école et la nation, où se concilient la pédagogie de la langue et le savoir encyclopédique de la culture française, européenne en priorité. Il s’adresse sans précision à l’ensemble de la communauté socioculturelle, toutes générations et toutes classes sociales confondues. Les autres dictionnaires le côtoient, l’accompagnent, l’entourent, mais ils ne le supplantent pas.

4. Conclusion : la République des dictionnaires

Outre la domination tous azimuts de la production laroussienne au cours de la période 1878-1932, la lexicographie est marquée par une seule œuvre révolutionnaire en matière de DGM, le Dictionnaire général. En comparaison avec celui-ci, les six volumes du Dictionnaire des dictionnaires apparaissent comme l’accomplissement d’un compilateur, d’un glossateur, comme un répertoire plus fade mais à la nomenclature extensive, comme un bon magasin d’exemples, malheureusement dépourvus de références, mais dont le mérite premier est d’être souvent contemporains du dictionnaire. Le DD restera aussi dans l’histoire des dictionnaires comme le premier témoignage sérieux de la fragmentation lexicale du français et comme le dernier grand dictionnaire universel, catégorie qu’avait ouverte le grand FURETIÈRE.

Pierre LAROUSSE et son successeur Claude AUGÉ ont établi l’ère des dictionnaires de masse, des dictionnaires usuels. L’objet même du dictionnaire est socialisé, il devient un bien matériel et intellectuel accessible à tous les individus forgeant une société, un bien indispensable dans chaque foyer. Il devient également un livre de connaissance, un outil de référence et un manuel scolaire. La vision pédagogique et didactique, dont le but essentiel est la connaissance des choses et des faits, s’oppose à une attitude descriptive et normative prenant exclusivement en considération la langue envisagée uniquement pour elle-même (HATZFELD, après l’Académie). Il est un fait avéré qu’un « courant constant emporte les dictionnaires français de la pédagogie du “bon usage” et du réglage de la norme —reflet dans les mots d’une politique centralisatrice— à la maîtrise des choses » (REY, 1986 : 630).

La formule du dictionnaire moderne est générée et sa symbolique est branchement sociale. Désormais, le dictionnaire fait partie des mutations nouvelles enclenchées en littérature et dans le monde intellectuel français après 1870. De fait, « la mise en œuvre d’un projet didactique national, de l’école maternelle à l’université » (REY, 1990 : 1819) ouvre toute grande la porte à l’aventure dictionnairique. L’invention du PLI adhère parfaitement à cette œuvre d’enseignement et de formation mise de l’avant par les décideurs de la IIIe République. Elle la pérennisera.

La fin du XIXe siècle et le début du XXe voient une métamorphose et un renouvellement rapides des méthodes et des pratiques lexicographiques. Le monde est en changement et les premières traces d’interdisciplinarité pointent et influencent directement les dictionnaristes, tandis que le préstructuralisme est déjà en germe. Diverses formules de dictionnaires sont affinées, modernisées ou tout simplement inventées : le dictionnaire binaire associant la langue et l’encyclopédie poursuit la tradition du répertoire universel, le petit dictionnaire monovolume scolaire et familial jaillit de l’imagination laroussienne, le dictionnaire linguistique asseoit le rapprochement entre la sémantique et la lexicographie dans le DG, le Guérin explore les régions linguistiques du français et il préfigure la francophonie. Entre 1878 et 1932, la lexicographie française est tributaire de trois dictionnaires phares qui, chacun à leur manière, illustrent l’accroissement du savoir-faire lexicographique : le DD, le DG et le PLI. En recourant à une méthode spécifique, chacun d’eux perfectionnait pour le français moderne l’une des trois orientations les plus productives du « trivium » lexicographique que les prototypes de Pierre RICHELET, d’Antoine FURETIÈRE et de l’Académie avaient entrepris d’instituer deux siècles auparavant.

Le dictionnaire, quel qu’il soit et indépendamment de sa valeur scientifique, offre sur l’époque à laquelle il a été élaboré de multiples témoignages langagiers et sociaux tous plus précieux les uns que les autres. Ce qu’on recherche dans ces recueils finalement, et au-delà du réflexe premier qui est d’ordre langagier, « c’est l’épaisseur du temps, sa palpitation partout présente en chaque mot, en chaque syllabe » (CLARO, 1993 : 15). Chacun à leur manière, les musées des mots visités et explorés ci-dessus font revivre ce temps du siècle des dictionnaires, ce temps d’une culture socialisée, laïcisée et démocratisée prête à s’épanouir sur un nouveau siècle. Celui-ci sera dominé par la science et par la technologie qui révolutionneront à leur tour les nouveaux dictionnaires et les propulseront dans la galaxie de la culture technicienne informatique.

Bibliographie

1. Linguistique

2. Dictionnaires

L’astérisque (*) signifie que les informations n’ont pu être complétées faute de documentation de première main. Il arrive en effet que les sources bibliographiques soient incomplètes ou qu’elles se contredisent. Comme je n’ai pas pu vérifier les originaux, notamment les paginations, je laisse l’information en blanc.

Référence bibliographique

BOULANGER, Jean-Claude (1994). « Le paysage lexicographique français entre 1878 et 1932. Portrait d’une culture d’époque », Cahiers de lexicologie, no 65, p. 29-45. [article]

Abstract (anglais)

This article provides a brief survey of the social, scientific and epistemological framework within which French dictionaries were compiled between the late nineteenth and early twentieth centuries. It begins and ends with the seventh and eighth editions of the Dictionnaire de l’Académie française, respectively. However, the study is not restricted solely to the work of the “Immortels”, since it centres on the genesis of three dictionaries ; namely, the Dictionnaire des dictionnaires, the Dictionnaire général and the Petit Larousse illustré. Although the aims and objectives of these works are completely different, they have nonetheless contributed significantly to the development of modern lexicography.