Au nom du Père, du Fils, du Saint-Esprit et de la Vierge Marie : un épisode de l’épopée de la parole biblique dans les dictionnaires de langue
Jean-Claude Boulanger (Université Laval)
Julie de Blois (Université Laval)
« Si les cieux, dépouillés de son empreinte auguste.
Pouvaient cesser jamais de le manifester,
Si Dieu n’existait pas, il faudrait l’inventer » Voltaire.
1. La nébuleuse des proprionymes
Dans la mesure où ils sont capables de signifier ou de faire signifier, les noms propres (Npr) se retrouvent dans les colonnes des dictionnaires généraux. D’ailleurs, depuis l’origine de la lexicographie française, « on n’a jamais vu de dictionnaires de langue ne contenant que des noms communs » (REY-DEBOVE et REY, 1995 : X). On repère les proprionymes aussi bien dans la macrostructure que dans la microstructure. Ils y sont particulièrement bienvenus lorsqu’ils ont réussi à dériver vers la galaxie des noms communs (Nco). C’est le cas de quatre sous-groupes d’unités proprielles qui se sont lexicalisées et que l’on rangera sous l’étiquette d’onomastismes : les éponymes (mécène, porto; marie-louise, paul-jones), les dérivés affixés (après-de Gaulle, pro-Zola, avant-Meech, pré-Maastricht; moliéresque, acadianisme; antivoltairien, préraphaélite), les mots composés (bain- marie, reine-claude, duc-d’Albe/duc-d’albe, prince-de-Galles/prince-de-galles) et les unités lexicales complexes onomastiques (ULCO) (lanterne d’Aristote, porcelaine de Limoges). Les exemples ci-dessus sont rangés suivant leurs caractéristiques formelles. Il est évident que certains d’entre eux peuvent changer de sous-classe lorsque l’enveloppe du signifiant graphique est modifiée (cheveu-de-Vénus et cheveu de Vénus, respectivement mot composé et ULCO) ou que leur mode de formation fait appel à deux mécanismes simultanés (Marie-Chantal et Mata Hari : éponymes (ou antonomases?) qui gardent leurs majuscules; mot composé pour le premier et mot complexe pour le second). La place que les Npr et les formes qui en sont issues occupe dans les dictionnaires généraux est importante, tant sur le plan quantitatif que sur le plan qualitatif (BOULANGER et CORMIER, 1997). Ces mots s’incrustent dans les dictionnaires pour des raisons d’ordre historique, politique, social, culturel, civilisationnel, religieux, etc. Ils servent a étoffer la vision de l’univers et le modèle de communication que chaque discours social autorise. Dans sa plus large dimension, le lexique est « un espace privilégié où se produisent et se reflètent les découpages culturels et où l’on peut mieux observer les mécanismes de leur constitution et constante reconstruction » (PAIS, 1988 : 599). Par opposition au Nco qui paraît plus arbitraire, l’ancrage du Npr dans la réalité est sans doute renforcé du fait qu’il identifie et singularise une personne, un lieu... qui exercent ou ont exercé un empire sur le monde. Les traces révélatrices laissées dans l’Histoire par le porteur du nom sont récupérées lors de l’opération de lexicalisation. Lorsqu’un proprionyme se métamorphose en mot ordinaire simple (camembert, cheddar), composé (pont-l’évêque, port-salut) ou qu’il entre dans une structure complexe (baiser de Judas, arbre de Judée), puis s’inscrit dans le lexique d’une langue, cela confirme qu’un ou des éléments caractéristiques attribuables à l’entité ou à la personne porteuses du nom ont été codifiés, c’est-à-dire érigés en caractères prototypaux qui font que le mot peut être désormais mis en relation avec une classe conceptuelle. Ainsi, la « signification du nom commun est comprise par référence à un autre ensemble de signes, il peut être traduit en d’autres signes équivalents, en dehors de toute référence à la réalité extralinguistique » (GRAITSON, 1972 : 182).
Le système sémiotique du français intègre fonctionnellement le vaste complexe socioculturel et linguistique érigé par le Npr. Autrement dit, l’un des sous-systèmes sémio-lexicaux de la langue est fondé sur le recours à des théories de proprionymes pour l’engendrement des mots nouveaux. Comme les formants gréco-latins, l’emprunt et d’autres mécanismes de formation de mots, le réservoir propriel doit être considéré comme l’une de ces « nébuleuses sémiques conceptuelles » signalées par C. T. PAIS et qui nourrissent la dynamique lexicale ainsi que l’actualisation du discours (1988 : 600). En clair, le proprionyme entre dans le cycle de la formation des mots en français, aussi bien sous l’angle du signifiant que sous celui du signifié.
Le portrait des usages de la langue dessiné socialement est fortement teinté par les contingents d’unités proprielles qui s’engouffrent dans le lexique. Les conceptions du monde, les panthéons mythologiques, les croyances religieuses figurent, parmi d’autres, comme des sources majeures de la constitution de grands pans du vocabulaire d’un groupe communautaire. Sous peine d’être hors jeu, les dictionnaires répercutent obligatoirement les données qui servent à organiser sémiotiquement le monde. De là les idéologies multiformes qui se déploient dans les recueils de mots français depuis Robert ESTIENNE jusqu’aux œuvres contemporaines (BOULANGER, 1986; D’ORIA, 1988).
Plusieurs de ces attitudes idéologiques tirent leur explication de l’univers religieux, notamment de la Bible. Un mot du lexique dont l’étymologie remonte à un nom propre relié à un ou à l’autre des personnages ou des événements bibliques sera désigné ci-après par le terme biblionyme[1]. Entrent dans ce catalogue, les éponymes benjamin, calvaire et jéroboam, les dérivés adamisme, jérémiade, josephté et préadamite, les composés bain-marie, larme-de-Job et saint-pierre, les ULCO arche de Noé, clés de saint Pierre/clés de Saint-Pierre, échelle de Jacob fille d’Ève et pomme d’Adam. Bien entendu, les noms communs (apocalypse, jubilée, manne), les expressions, les locutions, les proverbes, etc. (la traversée du désert, œil pour œil, dent pour dent), qui tirent leur origine du livre saint sont aussi des unités biblionymiques (PAPIN, 1989; BOLOGNE, 1991).
2. L’Olympe et le Paradis
Au carrefour des âges antiques et de l’ère chrétienne, la scission entre la langue générale et le vocabulaire religieux n’a jamais été totale, ni aussi tranchée qu’on pourrait le croire. La civilisation européenne romane a bien entendu emprunté une tangente judéo-chrétienne, mais elle n’a jamais cessé de revendiquer son héritage gréco-romain. Les légendes de l’Olympe et les aventures des dieux romains ont d’abord été racontées au monde par l’intermédiaire des auteurs de l’Antiquité. Mais de nombreuses traductions sont également l’œuvre des moines du Moyen Âge. En plus de traduire, les copistes médiévaux ont souvent repris les mêmes textes, les retranscrivant simplement dans leur langue d’origine, le grec ou le latin. Selon diverses sources, les transcriptions et les traductions des épisodes du panthéon mythologique antique ont exigé autant de sommes de travail et de soin que de temps consacré à consigner les pensées des Pères de l’Église ou à compiler les ordonnances de la Bible (PAPIN, 1989 : 3).
Il est un fait attesté que depuis le Moyen Âge, l’influence de la culture religieuse judéo-chrétienne est très perceptible sur la formation du lexique de la langue française. Le latin médiéval fourmillait lui-même de mots aux couleurs chrétiennes. Une part de ce lexique est redevable à des noms de personnes figurant dans la Bible. Ces noms ont laissé leur empreinte tout au long de l’histoire du français. De fait, l’univers religieux chrétien est le cadre d’une production lexicale d’envergure qui a fécondé le lexique dans plusieurs de ses dimensions et qui a traversé du côté de l’usage courant (PAPIN, 1989; BOLOGNE, 1991). Dans le dictionnaire des proprionymes bibliques (ODELAIN et SÉGUINEAU, 1996), quelques figures majeures sont plus évocatrices que d’autres, non que plusieurs personnages n’aient contribué à créer quelque vocable durable. Mais il est évident que dans l’imaginaire collectif, certaines figures majeures comme Dieu —le nom de Yahvé ouvre l’Ancien Testament—, le Christ —le nom de Jésus ferme le Nouveau Testament—, le Saint-Esprit et Marie dominent le panthéon du royaume céleste.
C’est ce quatuor de personnages dont nous avons voulu suivre la carrière dans le langage ordinaire et dans les dictionnaires de langue. Car il est patent que, consciemment ou non, les personnages et les évènements de la Bible se prolongent dans les discours usuels contemporains où ils sont omniprésents, et cela même dans le langage de ceux et celles qui se sont éloignés de la pratique religieuse ou qui se réclament de l’athéisme. De là la parodie nietzschéenne « Dieu est mort, Dieu merci! » ou celle de l’athée qui, à la question « Croyez-vous en la nature d’un être divin? », répond : « Non, Dieu m’en préserve! ». La vie moderne n’est pas précisément religieuse; néanmoins elle est remplie d’allusions, de traces lexicales réelles se référant à la raison biblique, accumulées et sédimentées dans les dictionnaires. Outre le langage courant, ces biblionymes sont diffusés dans nombre de sphères thématiques du savoir : arts, littérature, astronomie, philosophie, sciences, gastronomie, botanique... On en trouvera plusieurs exemples dans les tableaux joints à cette contribution. À propos des parémies (v. 3.) par exemple, N. GUEUNIER explique que les locuteurs continuent à employer des formules comme s’en laver les mains, la traversée du désert, rien de nouveau sous le soleil, des mots comme apocalypse, jubilé, manne sans avoir lu ou consulté les textes sacrés dont ils sont tirés (1995 : 25), Il vaut donc « la peine de chercher à faire connaître ce que l’on dit sans savoir qu’on le dit » (GUEUNIER, 1995 : 25). On repère dans les dictionnaires des myriades d’autres lexèmes biblionymiques. Voici quelques exemples de mots complexes qu’Adam et Ève, le père et la mère de l’humanité, ont laissés en héritage au français, mais dans lesquels les locuteurs sont parfois en peine de reconnaitre le premier homme et la première femme :
• Adam → |
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• Ève → |
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Ces deux noms éponymes font partie des 4420 réalités différentes (personnages, lieux, événements, etc.) qui sont mentionnées dans la Bible. Parmi ces 4420 réalités, on distingue 3550 proprionymes dont 3070 désignent des personnes : 2900 hommes et 170 femmes (ODELAIN et SÉGUINEAU, 1996 : X et XV),
3. Le dictionnaire, vulgate moderne
Le dictionnaire est le dépositaire par excellence de tous les témoignages lexicaux qu’a laissés le français dans son périple à travers l’histoire et les civilisations. Plus même, il est le lieu métalinguistique le plus marqué par les idéologies et par les évènements de nature culturelle, sociale, politique ou religieuse. Bien évidemment, la culture religieuse judéo-chrétienne est l’un de ces véhicules idéologiques qui ont eu prise sur le français. La religion est à la source d’une créativité lexicale abondante, aussi bien ancienne que moderne, et qui se manifeste tantôt en langue générale, tantôt dans les technolectes non religieux et tantôt en onomastique. À titre d’illustration, on n’a qu’à évoquer deux grands fleuves du vocabulaire québécois qui sont fortement redevables aux dénominations religieuses : la toponymie, pour le volet onomastique, et le domaine des jurons et des sacres pour ce qui est de la langue commune. Mais la présente étude ne fera pas escale au pays de l’onomastique ni sur l’archipel de la sacrologie. D’autres s’y sont employés avec compétence, de sorte que l’un et l’autre champs sont fort bien documentés (DUGAS, 1987, 1988; PICHETTE, 1980; LÉGARÉ et BOUGAÏEFF, 1984).
Le corpus des proprionymes dans les répertoires de mots est impressionnant. Il prend différentes ligures qui ont fait l’objet de recherches récenles (BOULANGER et CORMIER, 1997). Ces configurations vont de la simple présence du Npr dans les articles jusqu’à son utilisation fonctionnelle dans la structuration formelle des mots (onomastismes, phraséologismes, locutions et expressions, proverbes et dictons...) ainsi que dans la confection du sens, c’est-à-dire leur insertion dans les séquences métalinguistiques du dictionnaire reliées à la signification. Dans le dictionnaire de langue, l’unité proprielle est donc à la fois un signe à décrire et un signe de description un sujet d’article et un élément de la prédication articulaire. Il a donc tantôt un statut macrostructurel, tantôt un statut microstructurel. De cet ensemble indifférencié des unités dictionnairiques proprionymiques, nous voudrions extraire les biblionymes rattachés à quelques personnages-clés de l’histoire religieuse et voir comment les dictionnaires d’aujourd’hui architecturent ce vocabulaire sur le plan formel. La place manquant pour prolonger l’étude du côté de la sémantique, nous n’aborderons la question du sens que fort brièvement et sous la forme de données tabulaires (voir les tableaux 4 et 5). Le catalogue des noms est vaste. Nous commencerons donc par le quatuor incontournable composé de Dieu le Père, Dieu le Fils (Jésus), Dieu le Saint-Esprit et Marie la mère de Jésus. À travers les écrits et les siècles, ces personnages se sont vu accoler plusieurs noms que nous désignerons comme étant des variantes. Voici un échantillon des principales appellations relevées :
• Dieu → |
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• Jésus → |
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• Saint-Esprit → |
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• Marie → |
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L’étude du provignement lexical sera resserrée aux seuls noms suivants : Dieu, Jésus et Christ, Saint-Esprit, Marie et Vierge (pour plus de détails sur les différents noms attribués à ces personnages, voir ODELAIN et SÉGUINEAU, 1996, en particulier p. 201-205 pour Jésus et p. 389-393 pour Dieu). L’objet de l’examen consiste à voir en quoi ces six Npr ont survécu dans la langue usuelle sous la forme de mots communs généraux ou technolectaux, el comment ils en sont venus à désigner autre chose qu’eux-mêmes, c’est-à-dire à acquérir un ou des signifiés. Plus précisément, nous verrons quels contingents de mots ordinaires doivent leur existence à ces noms bibliques. Quatre modes de lexicalisation sont privilégiés : l’éponymie, la dérivation, la composition, l’élaboration d’unités complexes. En deux occasions, nous évoquerons également l’abréviation. Les formules plus longues et plus difficilement associables au mot comme signe ne seront pas considérées. C’est le cas des phraséologismes (implorer Dieu, être Marie), des locutions et des expressions (Dieu seul le sait, donner le Bon Dieu sans confession à quelqu’un, au nom du Christ, suer comme un Christ en croix, faire le Saint-Esprit), des interjections (bon Dieu!, doux Jésus!, Jésus, Marie, Joseph!), des proverbes et des dictons (ce que femme veut, Dieu le veut, chacun pour soi et Dieu pour tous, qui donne aux pauvres prête à Dieu; si Dieu le veut!). Sur ces héritages linguistiques, on se reportera avec profil aux ouvrages spécialisés (PAPIN, 1989; BOLOGNE, 1991) ou à des écrits scientifiques thématiques, notamment sur tes parémies évangéliques (GUEUNIER, 1991, 1992 et 1995). Le terme parémie sert de générique pour englober « plusieurs catégories d’énoncés sentencieux » (GUEUNIER, 1992 : 82), du type proverbe, dicton, maxime, locution, expression, etc., comme les exemples cités ci dessus, ou d’autres tels Seigneur!, Mon doux Jésus!. Les biblionymes qui ne seront pas en prise directe sur les six dénominations proprielles déjà mentionnées parce qu’ils dérivent du latin médiéval ou du grec seront écartés. Des mots comme chrétien (< latin ecclésiastique chiristianus), chrétienté (< latin christianitas), christianiser (< grec khristianizein), virginal (< latin virginalis), virginité (< latin virginitas) sont dans cette catégorie des exclus de l’étude.
4. L’opération du Saint-Esprit
La quête du corpus s’est réalisée avec l’aide d’un nouveau dieu admis au panthéon de la technologie, le cédérom. En effet, la base informatisée du Nouveau Petit Robert [NPR] a été interrogée pour y suivre les aventures des six noms bibliques sur lesquels nous voulions nous arrêter. Mais tous les exemples rassemblés ne proviennent pas nécessairement du seul NPR. D’autres répertoires ont été aussi fouillés manuellement : le Grand Robert de la langue française [GRLF], le Trésor de la langue française [TLF], le Lexis, le Grand Dictionnaire encyclopédique Larousse [GDEL]. Quelques unités ont aussi été repérées lors de vérifications plus ponctuelles dans d’autres dictionnaires, notamment dans des répertoires d’éponymes et de gastronomie. Quelques ouvrages du XVIIe siècle comme le Dictionaire universel d’Antoine FURETIÈRE ont contribué également à la moisson. Sur un autre plan, les lexies proposées ne sont évidemment pas exhaustives pour au moins quatre raisons :
- Les dépouillements menés sont partiels. Des unités peuvent avoir échappé à notre vigilance parce qu’elles sont décrites dans d’autres dictionnaires que ceux qui figurent dans le corpus. Certaines peuvent être aussi demeurées enfouies dans les répertoires consultés, faute d’avoir découvert le chemin pour y accéder.
- Des unités consignées peuvent avoir une origine étymologique différente de celle que l’on croit biblique ou encore cette origine peut ne pas être explicite. Dans ces cas, un point d’interrogation (?) suit la forme.
- Certaines unités n’ont pas été retenues, car elles semblaient appartenir davantage à la catégorie des noms propres (cf. notamment les diverses appellations des quatre personnages de notre corpus citées au paragraphe 3 et les noms des congrégations religieuses dont un grand nombre tirent leur appellation du quatuor biblique).
- Nous avons pu laisser échapper des unités complexes dont le statut sémantique est sûr, mais nous n’en avions pas la preuve; tandis que nous avons sans doute répertorié des ULCO dont le figement sémantique peut être douteux. Dans ce dernier cas, un point d’interrogation (?) suit la forme. Il en va de même pour les unicas, à savoir les unités à réfèrent singulier et constant.
Toutes les variantes trouvées dans le corpus des dictionnaires retenus (GDEL, GRLF, Lexis, NPR/PR-CD, TLF) sont respectées et indiquées, y compris l’alternance des majuscules et des minuscules qui jouent un rôle dans la lexicalisation comme le montrent les séquences suivantes :
• Saint-Esprit | • saint-esprit | • saint-Esprit | • Esprit-Saint |
• Saint Esprit | • saint esprit | • saint Esprit | • Esprit Saint |
• Ave Maria | • Avé Maria | • Ave | |
• Ave maria | • ∅ | • Avé | |
• ave Maria | • ∅ | • ave | |
• ave maria | • avé maria | • avé |
Les résultats sont présentés sous la forme de tableaux qui regroupent les unités lexicalisées suivant les différents modes de formation. Les sens n’accompagnent pas les unités. On pourra les retracer en parcourant les différents articles des dictionnaires du corpus. Pour certaines ULCO, la quête s’avérera parfois pénible, notamment dans l’article dieu / Dieu du TLF. Le consulteur devra s’armer de patience et se préparer à accomplir un véritable chemin de croix lexicologique parsemé d’embûches!
4.1. Dieu
Dieu | |||
Éponymes | Dérivés | Composés | ULCO |
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Outre les mots répondant aux catégories qui figurent dans le tableau, on trouve également une série de formes issues de différents autres procédés. Voici quelques exemples parmi lesquels on reconnaîtra un certain nombre d’exclamations.
- adieu
- bigot
- bogomille
- corbleu
- jarnibleu
- jarnidieu
- morbleu
- palsambleu
- parbleu
- pardi
- pardieu
- sacrebleu
- scrogneugneu
- têtebleu
- tudieu
- ventrebleu
- vertubleu
À titre complémentaire, il vaut la peine de signaler quelques interjections usuelles puisées dans l’immense réservoir du TLF et dans celui du GRLF :
- bon Dieu de Dieu!
- bordel de Dieu!
- Dieu du ciel!
- grand Dieu!
- nom de Dieu!
- tonnerre de Dieu!
4.2. Jésus et Christ
Jésus | |||
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Éponymes | Dérivés | Composés | ULCO |
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Le nom Jésus entre aussi dans de nombreuses dénominations de congrégations religieuses : Compagnie/compagnie de Jésus, Société/société de Jésus. Ces noms n’ont pas été catalogués dans les listes parce qu’ils s’apparentent à des proprionymes (cf. le GDEL, p. 5851-5852).
Le mot jésuite est lui-même à la source d’une multitude d’autres formes (cf. le tableau 3).
jésuite | |||
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Abréviations | Dérivés | Composés | ULCO |
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On ne saurait quitter les lexies jésus et jésuite sans proposer une petite incursion du côté du sens pour essayer de synthétiser les différentes significations recouvertes par ces deux unités. Les tableaux 4 et 5 rendent compte d’une possible organisation sémantique de ces deux mots à des fins dictionnairiques. Les différents éléments qui servent à la structuration sémantique proviennent de sources lexicographiques françaises et/ou québécoises. Ils ne sont évidemment pas exhaustifs. Le sous-système technolectal n’a pas fait l’objet d’un examen attentif, par exemple.
jésus/Jésus | |
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I. (Avec une majuscule.) Jésus, interjection. | |
1. | Marque la surprise, l’admiration, la peur... Jésus! Jésus, Marie, Joseph! Mon doux Jésus! |
2. | TRÈS FAMILIER. (Sacre, juron). Exclamation employée dans toutes sortes d’occasions. Jésus qu’il neige! Heureusement que tu étais là, Jésus! — Sans complément. Terme d’injure, de mépris. Jésus! — Nom. Un / Une Jésus de : sert à qualifier la chose, la personne qui est mentionnée. On a fait un Jésus de beau voyage à Londres. — Loc. verb. Être en (petit) Jésus, en colère, de mauvaise humeur; ne pas être content, satisfait. Elle est en Jésus parce qu ’elle a perdu son parapluie. 1 |
II. (Personnes.) jésus / Jésus, nom masculin. | |
1. | Représentation, image de Jésus enfant ou de Jésus. Elle a peint des Jésus bénissant la foule. |
2. | Statuette de l’enfant Jésus dans la crèche de Noël. Des jésus en cire. Acheter un Jésus, des santons et des moutons. |
3. | Jeune enfant mignon, plein de gentillesse, aimable et digne d’affection. Elle a l’air d’un petit ange et lui d’un beau petit jésus. |
4. | Terme d’affection à l’adresse des tout-petits. Viens avec mot, mon beau jésus! |
5. | Jeune garçon efféminé et prostitué, dressé au chantage. Jésus la Caille (roman de F. Carco). |
III. (Choses.) jésus / Jésus, nom masculin. | |
1. | PAPET. VX Papier portant en filigrane le monogramme (I.H.S.) de Jésus. L’évêque aimait écrire ses sermons sur du jésus. — En apposition : papier jésus. — REM. On trouve aussi les variantes papier du nom de Jésus / Jésus et papier nom de jésus t Jésus. |
2. | PAPET. MOD. Format de papier de grande dimension (56 x 72 cm ou 56 x 76 cm). Imprimer une affiche sur du jésus. — En apposition : papier jésus. |
3. | CHARCUT. Court saucisson sec de gros diamètre emballé dans la partie ta plus large du boyau de porc. Suspendre des jésus pour les fumer. |
4. | ARG. Phallus en érection. |
jésuite / Jésuite | ||
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A. (Parfois avec une majuscule.) Nom masculin (rare au féminin). | ||
I. | PERSONNES. | |
1. | Membre de la Compagnie ou de la Société de Jésus. Le général des Jésuites. | |
2. | PÉJOR. Personne qui recourt à des astuces subtilement hypocrites et manœuvrières. Son raisonnement de jésuite en a convaincu beaucoup. « Le jésuite, le plus jésuite des jésuites est encore mille fois moins jésuite que ta femme la moins jésuite, jugez combien les femmes sont jésuites! » (Balzac, GRLF). | |
II. | ANIMAUX. | |
1. | RÉGION. Dindon. | |
2. | (XIXe s.). Cafard. | |
III. | CHOSES. | |
1. | Tout ce qui relève de la Compagnie ou de la Société de Jésus ou lui appartient. Ils ont été éduqués dans une école de jésuites. | |
2. | GASTRON. Petite pâtisserie feuilletée triangulaire, fourrée de frangipane et recouverte de place royale. Des jésuites à quelques francs la pièce. | |
B. (Avec une minuscule.) Adjectif. | ||
- | 1. | Qui est membre de la Compagnie ou de la Société de Jésus. Un prédicateur jésuite. |
2. | Relatif ou propre aux jésuites. L’esprit et la morale jésuites ont marqué plus d’une personne. | |
3. | Relatif ou propre à la Compagnie ou à la Société de Jésus. Des collèges jésuites. S’abonner à une revue jésuite. | |
4. | ARTS. Style jésuite : style d’architecture baroque et religieuse adopté par les jésuites au XVIIe s. Une église construite dans le style jésuite. — Relatif ou propre au style jésuite. Une colonne torsadée rococo d’inspiration jésuite. | |
5. | Qui concerne un comportement retors, hypocrite. Afficher un air jésuite. |
Christ | |||
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Éponymes | Dérivés | Composés | ULCO |
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Le nom compose Jésus-Christ donnera quant à lui quelques autres unités.
Les éponymes : |
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Les ULCO : |
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4.3. Saint-Esprit
Saint-Esprit | |||
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Éponymes | Dérivés | Composés | ULCO |
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Le nom entre aussi dans de nombreuses dénominations de congrégations religieuses comme Pères du Saint-Esprit. Ces noms n’ont pas été catalogués dans les listes parce qu’ils s’apparentent à des proprionymes. Cependant, on peut considérer que l’emploi au singulier du mot père du Saint-Esprit pour désigner un membre de cet ordre religieux est recevable. Il existe d’ailleurs un synonyme pour cette forme : spiritain.
4.4. Marie et Vierge
Marie | ||||
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Éponymes | Dérivés | Composés | ULCO | Abrév. |
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Le nom entre aussi dans de nombreuses dénominations de congrégations religieuses : Société de Marie, Enfants de Marie, Filles de Marie-Auxiliatrice. Ces noms n’ont pas été catalogués dans les listes parce qu’ils s’apparentent à des proprionymes. Cependant, on peut considérer que l’emploi au singulier des mots enfant de Marie et fille de Marie-Auxiliatrice (synonyme salésienne) pour désigner une religieuse membre de l’une ou l’autre de ces congrégations est recevable.
Vierge | ||||
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Éponymes | Dérivés | Composés | ULCO | |
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Le nom entre aussi dans de nombreuses dénominations qui s’apparentent à un proprionyme, comme Constellation de la Vierge.
5. Conclusion : rendre à César...
La galaxie lexicale judéo-chrétienne visitée dans cette étude a été isolée d’un amas plus vaste que l’on pourrait dénommer l’Univers des croyances religieuses et des mythes. Plus même, l’exploration s’en est tenue à un micro-système, celui des biblionymes. Et parmi ceux-ci, seule une petite constellation lexicale a été observée sous l’angle des signifiants davantage que sous celui des significations. Une étude plus exhaustive de la lexicalisation des biblionymes exigerait des recherches plus poussées dans le champ de la sémantique. On aura constaté également que la formation d’unités complexes domine largement les autres modes mis en parallèle.
En vérité, le système de la langue intègre profondément la parole évangélique. Depuis des siècles, les dictionnaires montrent quels sont les effets du discours biblique sur l’idéologie et sur l’usage (WIONET, 1993). Au XVIIe siècle, par exemple, dans la lexicographie classique, le mot Dieu / dieu n’a qu’une définition paradoxale (BRANCA-ROSOFF et WIONET, 1995). Le Dictionaire universel de FURETIÈRE le définit comme suit : « Il ne peut avoir de vraye définition, à cause que c’est un Estre infini & incompréhensible ». Au surplus, faut-il rappeler que les dictionnaires de l’époque classique font régulièrement écho aux liens étroits entre Dieu et le roi Louis XIV, car le roi Soleil est le porte-parole de Dieu sur Terre et légitime logothète d’icelui (D’ORIA, 1988 : 17-117)? Au XVIIIe siècle, les jésuites de Trévoux qui prendront la succession du FURETIÈRE relaieront la même conception sur le caractère indéfinissable de Dieu, confondant le mot et la chose, ou plutôt l’être.
La quête dictionnairique séquentielle relatée ci-avant montre aussi que par le discours de l’Évangile et par celui de ses acteurs, il est évident qu’on accède à un lexique qu’on peut certes rassembler autour de quelques zones onomasiologiques thématiques. L’étude montre également comment ce vocabulaire a profondément imprégné la langue générale ordinaire, comme les niveaux familiers et argotiques. La vérité chrétienne perdure dans ces paroles reprises et répétées par la langue, même si leur origine imprégnée de saveur biblique en a été souvent oubliée ou occultée par les progrès de la civilisation technicienne. Les mots survivent, mais leurs rapports à l’histoire religieuse se sont affadis, dilués sous l’empire des cultures profanes, d’autant que les couleurs sémantiques s’écartent régulièrement des nuances religieuses. La recherche fondée sur le dépouillement de quelques dictionnaires ne permet pas de savoir s’il se crée encore de nouveaux mots à base biblionymique. Pour mesurer cette productivité, il faudrait procéder à une recherche à partir de textes littéraires et d’écrits divers, et aussi à partir d’enquêtes orales, et non en s’appuyant exclusivement sur les dictionnaires qui, on le sait, ont toujours un peu de retard par rapport à la vie du langage.
Mais quand on scrute attentivement le passé lointain, rien d’étonnant alors que des catégories de mots aient provigné pour modeler l’un des principaux univers de référence de notre civilisation, pour organiser une sorte de creuset de la sagesse occidentale. À bien y penser, quelles différences peut-on établir entre le déluge de Noé et le déluge de Deucalion, entre le sacrifice d’Isaac par Abraham, son père, et le sacrifice d’Iphigénic dans le port d’Aulis par son père Agamemnon, sinon que dans le continuum mytho-historique, l’Occident féodal donnera obligatoirement l’avantage de la vérité aux actions décrites et interprétées dans la Bible plutôt qu’aux gestes des dieux et des héros des mythologies gréco-romaines (PAPIN, 1989; aussi DESAUTELS, 1988). Les dictionnaires d’aujourd’hui témoignent bien de cet héritage de l’Antiquité qui s’est pérennisé ainsi que de cette opposition entre l’Olympe et l’Évangile, entre le monde païen et le monde chrétien, qui au fond ne sont qu’un même et unique terreau dans lequel une multitude de mots ont fleuri et créé des visions du monde en apparence divergentes, tout cela pour le plus grand profit de la langue commune.
Bibliographie
Linguistique
- BOULANGER, Jean-Claude (1986) : Aspects de l’interdiction dans la lexicographie française contemporaine. Tübingen, Max Niemeyer, coll. « Lexicographica », Séries Maior, n3 13, IX + 166 p.
- BOULANGER, Jean-Claude et Monique C. CORMIER (1997) : Le nom propre dans l’espace diclionnairiqne général. Études de métalexicographie. Manuscrit inédit, 300 p.
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Notes
[1] Le terme biblionyme a été préféré à biblonyme. Ce dernier éviterait peut-être la confusion avec des mots formes à partir de l’élément biblio- "livre’’, mais nous croyons qu’en raison de son emploi très spécifique, le second élément biblio- a sa place dans le système morphologique. L’homonymie n’est pas gênante. Les contextes d’emploi résoudront les problèmes d’ambigüité possibles. L’origine étymologique du nom propre Bible (< grec biblia, pluriel neutre de biblion, lui-même dérivé de bublos, biblos, a donné le latin ecclésiastique biblia, mot qui est à la source du français bible) autorise que l’on conserve l’élément biblio-. Les dérivés seront construits sur le même modèle.
Référence bibliographique
BOULANGER, Jean-Claude et Julie de BLOIS (1999). « Au nom du Père, du Fils, du Saint-Esprit et de la Vierge Marie. Un épisode de l’épopée de la parole biblique dans les dictionnaires de langue », Cahiers de lexicologie, no 74, p. 149-170. [article]
Abstract (anglais)
As revealed by several specialized French dictionaries, the forms originating from proper nouns are legion in the current lexicon. Some characteristics of the bearer of a name sometimes become the prototypical features that lead to the lexicalization of the item, the latter becoming a member of a conceptual class. The words, thus, obtained are of different types: eponyms, derivatives, compounds, multiword lexical units, etc. In simple terms, proper nouns are linguistic material used in the formation of words. These words are very frequent in general dictionaries where they are treated as ordinary words. A sufficiently large number of these proper nouns are firmly rooted in the Bible. The aim of this article was to account for the proliferation, in the lexicon, of some key figures of the Holy Book: Dieu, Jésus, Marie and the Saint-Esprit. Such a biblical quartet is the etymological source of numerous current words in the French lexicon, and these words are actively used by speakers without being associated with any religious background. The different forms taken by these proper nouns in general French unilingual dictionaries are presented.