HAMELIN, Louis-Edmond (1977) Le Nord et son langage, Québec, Office de la langue française, 2 vols., 343 pages, Coll. Néologie en marche, série B: langues de spécialités.
Jean-Claude Boulanger (Régie de la langue française)
Le Réseau franco-québécois de néologie scientifique et technique aborde pour la première fois la néologie sous l’angle scientifique[1]. Le domaine de recherche retenu est le nord, qui apparaît comme une particularité continuellement présente dans la vie des Québécois et dont les incidences sont également internationales. L’étude du domaine a été confiée à M. Louis-Edmond Hamelin professeur à l’Université Laval et spécialiste dans la « nordologie ». Les résultats obtenus, quelque cinq cents termes, dépassent de beaucoup les prévisions envisagées au départ.
Depuis plusieurs années déjà M. Hamelin s’intéresse à la création de termes pour nommer les réalités nouvelles qu’il découvre, pour nommer les phénomènes qu’il étudie, pour renommer des notions, des choses déjà existantes mais mal nommées, mal comprises ou trop floues. Avec une grande sensibilité linguistique et avec son amour du langage, il est parvenu à fabriquer plusieurs dizaines de termes qu’il regarde vieillir, se lexicaliser, en passant dans un usage scientifique général pour devenir du français commun universel. Il crée des termes selon les principes linguistiques rigoureux : il prévoit, par exemple, que les familles lexicales pourront être complétées par la dérivation au besoin. Ses réflexions et ses recherches sont ici systématisées sous leurs aspects linguistiques et terminologiques.
Tous les termes répertoriés dans ces deux cahiers de Néologie en marche ne sont pas des néologismes au sens propre, c’est-à-dire des unités nouvelles ou créées depuis peu, peu s’en faut. Au contraire, nous avons voulu, dans un premier temps, faire davantage œuvre de consignation en rassemblant une terminologie de pointe éparse, peu connue et peu étudiée, sauf par l’auteur.
Plusieurs des termes consignés ci-après existent déjà, souvent même depuis plusieurs années, dans des ouvrages, dans des revues, dans des dictionnaires. Jusqu’à ce jour personne n’avait eu l’idée de les réunir en un seul ensemble, de les réexaminer à la lumière des connaissances actuelles, de les redéfinir parce qu’ils ne l’avaient jamais été ou parce qu’ils étaient mal définis, de les mettre à jour, d’en distinguer les nuances sémantiques[2]. C’est là le caractère néologique particulier de cette contribution de M. Hamelin. En faisant l’histoire terminologique du nord et de sa famille, il répond aux besoins définis par le Réseau franco-québécois de néologie scientifique et technique et il montre l’originalité de l’apport québécois et en ce domaine (voir ses tableaux comparatifs) et en matière de terminologie. Par l’intermédiaire de M. Hamelin, nous avons simplement voulu se faire rencontrer le nord et la néologie.
Cette tentative de réunir en un seul corpus une masse lexicale volumineuse tend vers l’exhaustivité et l’homogénéité, qualités recherchées dans toute bonne recherche terminologique. D’autres qualités doivent aussi être signalées : le domaine de recherche, tout en étant vaste demeure univoque; la période de temps couverte concerne surtout le 20e siècle, et plus particulièrement la seconde moitié de ce siècle, quoique l’on ne se soit pas interdit le recours à quelques témoignages antérieurs qui viennent ainsi appuyer ce qui est dit pour le 20e siècle; enfin M. Hamelin démontre que le phénomène nordique, tout en étant une caractéristique de notre monde nord-américain, est en même temps un phénomène mondial, du moins dans l’hémisphère septentrional.
Ces deux cahiers de Néologie en marche se présentent donc comme la somme d’un vocabulaire terminologique méconnu, comme une œuvre encyclopédique très riche et comme un réservoir inépuisable de connaissances de toutes sortes sur le nord. Cet outil de travail s’adresse autant au public en général qu’aux scientifiques de tout horizon.
Comme on le verra en lisant l’introduction (qui fait le point sur l’évolution linguistique de ce langage) et le lexique lui-même, l’effort de M. Hamelin est considérable et très méritoire. Il se doit d’avoir des suites. Le nord avec son langage s’inscrit comme une contribution et une étape essentielle vers la description généralisée du lexique québécois. Il montre combien est importante la relation continue entre le scientifique et le linguistique, l’un enrichissant sans cesse l’autre.
Notes
[1] Les précédents numéros de Néologie en marche traitaient de la néologie technique.
[2] Dans ces deux cahiers de Néologie en marche, on n’a pas cru bon d’effectuer le filtrage des unités terminologiques à l’aide du corpus d’exclusion lexicographique et terminologique. (Voir NEM 1, 2, 3.)
Référence bibliographique
BOULANGER, Jean-Claude (1978). « Hamelin, Louis-Edmond (1977). Le Nord et son langage. Québec, Office de la langue française, 2 vols. 343 pages. Coll. Néologie en marche, série B : langues de spécialités », Cahiers de géographie du Québec, vol. 22, no 55, avril 1978, p. 103-104. [compte rendu]